%~Mouliné par MaN_auto v.0.23.3 2021-04-28 09:12:09 \documentclass[AHL,Unicode,longabstracts, francais,published]{cedram} \usepackage{tikz} \usepackage{tikz-cd} %\usepackage[shortlabels]{enumitem} \usepackage{bbm} %\usepackage{subfigure} \usepackage{graphicx} \usepackage{float} \usepackage{subcaption} %\usepackage{subcaption} %\sepackage \DeclareMathOperator{\GL}{GL} \DeclareMathOperator{\Diff}{Diff} \DeclareMathOperator{\SL}{SL} \DeclareMathOperator{\Aut}{Aut} \DeclareMathOperator{\Stab}{Stab} \DeclareMathOperator{\CAT}{CAT} \DeclareMathOperator{\Tame}{Tame} \DeclareMathOperator{\car}{car} \DeclareMathOperator{\supp}{Supp} \DeclareMathOperator{\Fix}{Fix} \DeclareMathOperator{\mult}{mult} \DeclareMathOperator{\intl}{int} \newcommand{\pr}{\mathrm{pr}} \newcommand{\Dl}{\mathrm{D}} \newcommand{\id}{\mathrm{id}} \newcommand{\R}{\mathbb{R}} \newcommand{\F}{\mathbb{F}} \newcommand{\bbP}{\mathbb{P}} \newcommand{\A}{{\mathbbm{k}}} \newcommand{\K}{\mathbbm{k}} \newcommand{\Al}{\mathcal{A}} \newcommand{\Bl}{\mathcal{B}} \newcommand{\Cl}{\mathcal{C}} \newcommand{\Comp}{\mathcal{C}} \newcommand{\Fl}{\mathcal{F}} \newcommand{\Gl}{\mathcal{G}} \newcommand{\Hl}{\mathcal{H}} \newcommand{\Kl}{\mathcal{K}} \newcommand{\Vl}{\mathcal{V}} \newcommand{\ABl}{\mathcal{AB}} \newcommand{\ACl}{\mathcal{AC}} \newcommand{\ABCl}{\mathcal{ABC}} \newcommand{\BCl}{\mathcal{BC}} \newcommand{\Il}{\mathcal{I}} \newcommand{\Xl}{\mathbf{X}} \newcommand{\CComp}{\mathbf{Y}} \newcommand{\Ap}{\mathbf E} \newcommand{\DD }{\mathbf D} \newcommand{\bfn}{\mathbf{n}} \newcommand{\W}{\Pi} \newcommand{\PW}{\nabla} \newcommand{\TA}{\Tame(\A^n)} \newcommand{\eps}{\varepsilon} \renewcommand{\phi}{\varphi} \renewcommand{\setminus}{\smallsetminus} \newcommand{\V}{\mathbf V} \renewcommand{\le}{\leqslant} \renewcommand{\ge}{\geqslant} \renewcommand{\leq}{\leqslant} \renewcommand{\geq}{\geqslant} \newcommand{\Td}{\Aut(\A^2)} \newcommand{\Tt}{\Tame(\A^3)} \newcommand{\wgt}{\rho_+} %%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%% \usetikzlibrary{decorations.markings, arrows.meta, matrix, positioning, calc, angles,quotes} \tikzset{ typeone/.style={circle,draw=black,thick,inner sep=0pt,minimum size=2.3mm}, typetwo/.style={circle,draw=black,fill=black,thin,inner sep=0pt,minimum size=2.3mm}, typethree/.style={rectangle,draw=black,fill=black,thin,inner sep=0pt,minimum size=2.3mm} } \tikzset{mid arrow/.style={white!65!black, decoration={ markings, mark=at position.5 with {\arrow{>}}},postaction={decorate}}} \definecolor{lightblue}{rgb}{0.8,0.85,1} \newcommand{\trip}[3]{{[#1,\!#2,\!#3]}} \newcommand{\bary}[3]{barycentric cs:111={3*(#1)},110={2*(#2)},100={#3}} \newcommand{\tbary}[3]{barycentric cs:100={#1},010={#2},001={#3}} %%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%% \graphicspath{{./figures/}} \newcommand*{\mk}{\mkern -1mu} \newcommand*{\Mk}{\mkern -2mu} \newcommand*{\mK}{\mkern 1mu} \newcommand*{\MK}{\mkern 2mu} %\hypersetup{urlcolor=purple, linkcolor=blue, citecolor=red} \newcommand*{\romanenumi}{\renewcommand*{\theenumi}{\roman{enumi}}} \newcommand*{\Romanenumi}{\renewcommand*{\theenumi}{\Roman{enumi}}} \newcommand*{\alphenumi}{\renewcommand*{\theenumi}{\alph{enumi}}} \newcommand*{\Alphenumi}{\renewcommand*{\theenumi}{\Alph{enumi}}} %%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%% \title{Presqu'un immeuble pour le groupe des automorphismes modérés} \alttitle{Almost a building for the tame automorphism group} \subjclass{14R10, 20F67, 51E24} \keywords{automorphisme modéré, valuation, espace CAT(0)} \author[S. Lamy]{\firstname{Stéphane} \lastname{Lamy}} \address{Institut de Mathématiques de Toulouse\\ UMR 5219, Université de Toulouse,\\ UPS F-31062 Toulouse Cedex 9, (France)} \email{slamy@math.univ-toulouse.fr} \thanks{S.L. partiellement supporté par le projet ``BirPol'' ANR-11-JS01-004-01 et par le CRM, UMI CNRS Montréal. P.P. partiellement supporté par NSERC, FRQNT, et National Science Centre, Poland, UMO-2015/\-18/\-M/\-ST1/\-00050.} \author[P. Przytycki]{\firstname{Piotr} \lastname{Przytycki}} \address{Dept. of Math. \& Stats., \\ McGill University, Montreal,\\ Quebec, (Canada) H3A 0B9} \email{piotr.przytycki@mcgill.ca} \begin{abstract} Inspirés par l'immeuble de Bruhat--Tits du groupe $\SL_n(\F)$, pour $\F$ un corps valué, nous construisons un espace métrique complet $\Xl$ sur lequel agit le groupe $\TA$ des automorphismes modérés de l'espace affine. Les points de $\Xl$ sont certaines valuations monomiales, et $\Xl$ admet une structure naturelle de CW-complexe euclidien de dimension $n-1$. Quand $n = 3$, et pour $\K$ de caractéristique zéro, nous prouvons que $\Xl$ est localement $\CAT(0)$ et simplement connexe, et par conséquent $\Xl$ est un espace $\CAT(0)$. En application nous obtenons la linéarisabilité des sous-groupes finis de $\Tame(\A^3)$. \end{abstract} \begin{altabstract} Inspired by the Bruhat--Tits building of $\SL_n(\F)$, for $\F$ a field with a valuation, we construct a complete metric space $\Xl$ with an action of the tame automorphism group of the affine space $\TA$. The points in $\Xl$ are certain monomial valuations, and $\Xl$ admits a natural structure of Euclidean CW-complex of dimension $n-1$. When $n = 3$, and for $\K$ of characteristic zero, we prove that $\Xl$ is locally $\CAT(0)$ and simply connected, hence $\Xl$ is a $\CAT(0)$ space. As an application we obtain the linearizability of finite subgroups in $\Tame(\A^3)$. \end{altabstract} \datereceived{2019-11-06} \dateaccepted{2020-07-29} \editor{S. Cantat} %%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%% \begin{DefTralics} \DeclareMathOperator{\SL}{SL} \newcommand{\F}{\mathbb{F}} \newcommand{\Xl}{\mathbf{X}} \newcommand{\TA}{\Tame(\A^n)} \DeclareMathOperator{\CAT}{CAT} \newcommand{\K}{\mathbbm{k}} \DeclareMathOperator{\Tame}{Tame} \newcommand{\A}{{\mathbbm{k}}} \end{DefTralics} \dateposted{2021-08-26} \begin{document} \maketitle \section{Introduction} Soit $\K$ un corps, et $n \ge 2$. On note $\Aut(\A^n)$ le groupe des automorphismes polynomiaux de l'espace affine de dimension $n$ sur $\K$. Un système de coordonnées $(x_1, \dots, x_n)$ étant fixé, un élément $g \in \Aut(\A^n)$ s'écrit \[ g \colon (x_1,\,\dots,\,x_n) \mapsto (g_1,\,\dots,\, g_n) \] où les $g_i$ sont des polynômes en les $x_i$, et l'inverse de $g$ admet une écriture de la même forme. Le groupe $\Tame(\A^n)$ des \emph{automorphismes modérés} de l'espace affine est le sous-groupe de $\Aut(\A^n)$ engendré par le groupe linéaire $\GL_n(\K)$ et par les automorphismes élémentaires, ou \og~transvections polynomiales\fg{}, de la forme \[ (x_1,\,\dots,\,x_n) \mapsto (x_1 + P(x_2,\,\dots,\,x_n), x_2, \dots, x_n). \] Nous étudions la structure du groupe modéré, en particulier en dimension $n = 3$ et sur un corps de base $\K$ de caractéristique nulle. Après avoir obtenu l'existence de nombreux sous-groupes normaux dans~\cite{LP}, nous nous intéressons dans le présent travail à la question de la classification de ses sous-groupes finis à conjugaison près. Notre motivation à long terme est d'établir un panorama des propriétés que l'on peut attendre du groupe entier des automorphismes polynomiaux, voire même du groupe de Cremona, qui est le groupe des transformations birationnelles (et non plus seulement bipolynomiales) de l'espace affine. Nous renvoyons aux introductions de~\cite{BFL} et~\cite{LP} pour plus de détails sur l'articulation entre ces différents groupes, et un historique des développements récents. Nous nous concentrons dans cette introduction sur les aspects spécifiques à ce travail. Un sous-groupe $G$ de $\Aut(\A^n)$ est dit \emph{linéarisable} s'il existe une \emph{linéarisante} $\phi \in \Aut(\A^n)$ tel que $\phi G \phi^{-1} \subset \GL_n(\K)$. Il est connu que, pour un corps $\K$ de caractéristique nulle, tout sous-groupe fini $G$ de $\Aut(\A^2)$ est linéarisable. Rappelons l'argument, qui se résume simplement, et qui servira de modèle pour passer en dimension~3. On considère l'action de $G$ sur l'arbre de Bass--Serre associé à la structure de produit amalgamé pour $\Tame(\K^2) = \Aut(\A^2)$ (c'est le théorème de Jung--van der Kulk, voir par exemple~\cite{LamyJung}). Celle-ci admet toujours au moins un point fixe, ainsi $G$ est conjugué à un sous-groupe de l'un des facteurs du produit amalgamé. Finalement, les sous-groupes finis de ces deux facteurs sont linéarisables par un critère de moyennisation général, voir lemme~\ref{lem:abstract linearization}. En dimension plus grande, l'arbre de Bass--Serre se généralise en un complexe simplicial $\Comp_n$ de dimension $n-1$ sur lequel le groupe modéré agit avec pour domaine fondamental un simplexe. C'est ce complexe $\Comp_3$ que nous avons utilisé dans notre précédent travail~\cite{LP} pour obtenir l'hyperbolicité acylindrique, qui implique en particulier l'existence de sous-groupes normaux dans $\Tame(\A^3)$~\cite{DGO}. C'est également avec une variante de cette construction qu'a été établi dans~\cite{BFL} un résultat analogue de linéarisation des sous-groupes finis pour le groupe $\Tame(V)$ des automorphismes modérés d'une quadrique affine $V \subset \K^4$. Dans ce dernier contexte, le complexe sur lequel agit naturellement $\Tame(V)$ est un complexe carré $\CAT(0)$, cette propriété de courbure négative ou nulle assurant l'existence d'un point fixe global pour toute action de groupe fini. Pour étendre ces résultats au groupe $\Tame(\A^3)$, le problème que nous avons dû contourner est que l'étude du link des sommets montre que les triangles de~$\Comp_3$ ne peuvent pas être munis d'une structure euclidienne équivariante qui en fasse un espace $\CAT(0)$. Soulignons également que bien que $\Comp_3$ soit un complexe contractile de dimension~2~\cite[Theorem~A]{LP}, à notre connaissance cela reste une question ouverte de savoir si cela implique l'existence d'un point fixe pour toute action d'un groupe fini (voir~\cite[p.~205]{OS}). Dans le présent article, nous introduisons un nouvel espace $\Xl_n$ sur lequel agit le groupe modéré $\TA$ (section~\ref{sec:valuation}). L'espace $\Xl_n$, dont les points sont certaines valuations monomiales modulo homothétie, est lui aussi un CW-complexe dont les cellules sont des régions euclidiennes (mais en général pas des polyèdres) de dimension au plus $n-1$, et sa construction est inspirée de l'immeuble de Bruhat--Tits de $\SL_n(\F)$, pour $\F$ un corps valué. Une propriété agréable de l'espace $\Xl_n$ est que les stabilisateurs pour l'action de $\TA$ sont conjugués à des produits semi-directs $M \rtimes L$ avec $M$ un sous-groupe d'automorphismes triangulaires stables par moyenne et $L$ un sous-groupe du groupe linéaire (proposition~\ref{pro:stabilisateur}), ce qui par le critère général de linéarisation déjà mentionné permet d'obtenir que tout sous-groupe fini d'un tel stabilisateur est linéarisable. Reste alors à montrer que tout groupe fini agit sur l'espace $\Xl_n$ avec un point fixe global. Comme dans les exemples mentionnés plus haut, ceci découle automatiquement une fois que l'on a pu munir $\Xl_n$ d'une distance qui en fait un espace $\CAT(0)$ complet, en considérant le \og~circumcenter\fg{} d'une orbite quelconque. La construction d'une telle distance est le résultat principal de cet article. Tout d'abord en dimension $n \ge 2$ quelconque et sur un corps $\K$ arbitraire nous construisons $\Xl_n$ comme le quotient d'une union de copies de l'espace euclidien $\R^{n-1}$, que nous appelons appartements. Nous montrons que la pseudo-distance quotient induite est une distance, qui fait de $\Xl_n$ un espace de longueur complet (proposition~\ref{pro:metrique} et lemme~\ref{lem:complet}). Ensuite, restreignant l'étude au cas $n = 3$ et au cas d'un corps $\K$ de caractéristique nulle, nous montrons que $\Xl_3$ est simplement connexe (proposition~\ref{pro:X3 1-connexe}). Ici la restriction sur la caractéristique de $\K$ vient de la théorie des réductions de Shestakov--Umirbaev et Kuroda, dont une conséquence fameuse est l'inclusion stricte $\Tt \subsetneq \Aut(\K^3)$, mais que nous utilisons ici seulement au travers de la description de $\Tt$ comme un produit amalgamé de trois facteurs le long de leurs intersections respectives. Enfin, en nous appuyant sur l'étude des intersections entre appartements (section~\ref{sec:pointfixes}) nous montrons que $\Xl_3$ est localement $\CAT(0)$ (proposition~\ref{pro:courbure negative}). Finalement, par le théorème de Cartan--Hadamard on conclut (voir section~\ref{sec:princ}): \begin{theo}\label{thm:main} Sur un corps $\K$ de caractéristique nulle, l'espace $\Xl_3$ est un espace métrique complet $\CAT(0)$. \end{theo} En corollaire, suivant la stratégie exposée plus haut nous obtenons : \begin{coro}\label{cor:main} Sur un corps $\K$ de caractéristique nulle, tout sous-groupe fini de $\Tt$ est linéarisable. \end{coro} Précisons que dans ce corollaire la linéarisante obtenue sera dans $\Tame(\A^3)$. En dimension $n = 2$ la construction précédente produit un arbre $\Xl_2$ qui est non isométrique (et même non isomorphe de manière équivariante) à l'arbre de Bass--Serre de $\Aut(\A^2)$, ce qui était une première indication que ce complexe contient potentiellement des informations nouvelles sur le groupe modéré. Concernant la possibilité de généraliser nos résultats en dimension plus grande, rappelons tout d'abord qu'il existe des sous-groupes finis non linéarisables dans $\Aut(\A^4)$. Par exemple, suivant~\cite{FMJ}, si $\K$ contient 3 racines cubiques de l'unité, $1$, $\omega$ et $\omega^{-1}$, alors l'action sur~$\A^4$ du groupe symétrique $S_3 = \langle \sigma, \tau \mid \sigma^3 = \tau^2 = (\sigma \tau)^2 = 1\rangle$ définie comme suit est non linéarisable: \begin{align*} \sigma(a,b,x,y) &= (\omega a, \omega^{-1} b, x,y), \\ \tau(a,b,x,y) &= (b,a, -b^3x + (1+ab+a^2b^2)y, (1-ab)x + a^3y). \end{align*} On peut soupçonner que $\tau$ est un automorphisme non modéré, mais ceci relève de la question ouverte de savoir si l'inclusion $\TA \subset \Aut(\K^n)$ est stricte en dimension $n \ge 4$. En revanche, comme $\tau$ après composition par l'involution $(a,b,x,y)\linebreak \mapsto (b,a,y,x)$ s'identifie à un élément de $\SL_2(\K[a,b])$, il est connu grâce à~\cite{Suslin} que cet exemple devient modéré après extension à $\K^5$, en étendant trivialement l'action sur la variable supplémentaire. En effet, Suslin prouve que pour tout $r \ge 3$, le groupe $\SL_r(\K[x_1,\,\dots,\,x_n])$, que l'on peut penser comme un sous-groupe de $\Aut(\K^{r + n})$, est engendré par les matrices élémentaires, qui sont des automorphismes modérés particuliers. Mentionnons que cette propriété d'être \og~stablement modéré\fg{}, c'est-à-dire modéré après extension triviale à quelques variables supplémentaires, n'est pas valable seulement pour les automorphismes dépendant linéairement d'une partie des variables: par~\cite[Theorem~4.10]{BEW}, tout automorphisme polynomial en les deux variables $x,y$ et à coefficients dans l'anneau $\K[a,b]$ devient modéré après extension à $\A^6$. Par ailleurs, toujours suivant~\cite{FMJ}, l'exemple précédent reste non-linéarisable dans $\Aut(\A^{4+m})$, si l'on prolonge trivialement l'action de $S_3$ à un nombre $m$ quelconque de variables supplémentaires. En combinant avec le résultat de Suslin, pour tout $n \ge 5$ on obtient donc un sous-groupe fini non linéarisable de $\Tame(\K^n)$; autrement dit le corollaire~\ref{cor:main}, et donc également le théorème~\ref{thm:main}, ne sont plus valables en dimension $n \ge 5$. Il serait cependant intéressant d'étudier si l'un des deux ingrédients de la propriété $\CAT(0)$ persiste, à savoir la simple connexité ou la propriété $\CAT(0)$ locale. Enfin, le cas de la dimension $n = 4$ reste ouvert, mais semble difficile en l'absence d'une théorie des réductions. L'espace $\Xl_n$ est construit en considérant l'orbite sous l'action de $\TA$ de l'ensemble des valuations monomiales associées au système de coordonnées $x_1,\,\dots,\linebreak x_n$. On pourrait tout aussi bien considérer l'action du groupe $\Aut(\K^n)$, et obtenir un espace plus grand sur lequel agit le groupe entier des automorphismes polynomiaux. Le point est que ce nouvel espace n'est plus connexe, et la composante connexe contenant les valuations monomiales initiales est précisément notre espace $\Xl_n$. Nous avons fait le choix de nous restreindre dès le départ à l'action du groupe modéré, cependant le lecteur intéressé pourra vérifier que la plupart des énoncés généraux (en particulier dans les sections~\ref{sec:valuation} et~\ref{sec:stabilizers}) resteraient valables pour le groupe $\Aut(\K^n)$, avec une preuve inchangée. Nous voyons l'espace $\Xl_n$ muni de l'action de $\TA$ comme un analogue de l'immeuble affine de Bruhat--Tits associé a $\SL_n(\F)$, pour $\F$ un corps valué. Nous avons en tête la construction via les normes ultramétriques (voir~\cite{BT, Parreau2000}), où un appartement est associé à chaque base de $\F^n$ en faisant varier la pondération des normes ultramétriques associées. Dans notre situation on peut voir chaque $f \in \TA$ comme donnant une base de $\K$-algèbre de $\K[x_1,\,\dots,\,x_n] = \K[f_1,\,\dots,\,f_n]$, et lui associer une collection $\Ap_f$ de valuations monomiales naturellement paramétrée par un espace euclidien $\R^{n-1}$, que nous appelons l'appartement associé à $f$. Une autre similitude est que chaque tel appartement contient une valuation particulière (celle dont tous les poids sont égaux), dont un voisinage dans $\Xl_n$ est isométrique au cône sur l'immeuble sphérique associé à $\GL_n(\K)$. Cependant, comme nous le montrons dans l'appendice~\ref{sec:appart}, pour $n\geq 3$ l'espace $\Xl_n$ n'est pas la réalisation de Davis~\cite[Definition~12.65]{AB} d'un immeuble, car la propriété cruciale \og~par deux points passe un appartement\fg{}~\cite[Definition~4.1$\MK$(B1)]{AB} est mise en défaut, même localement. Mentionnons également que tout élément dans le stabilisateur d'un appartement $\Ap_f$ agit sur celui-ci comme une matrice de permutation, et jamais comme une translation comme on aurait pu l'anticiper. En particulier un domaine fondamental pour l'action de $\TA$ sur $\Xl_n$ est une chambre de Weyl entière, et donc n'est pas compact (corollaire~\ref{cor:intrin}$\MK$\eqref{cor:intrin2}). Il n'est pas clair pour nous si certaines notions affaiblies d'immeuble (par exemple les \og~masures\fg{} de Gaussent et Rousseau~\cite{GR}) pourraient englober notre construction. Par définition $\Xl_n$ est inclus dans l'espace de toutes les valuations sur l'anneau $\K[x_1,\,\dots,\,x_n]$, étudiés en particulier dans de précédents travaux par Boucksom, Favre et Jonsson~\cite{BFJ,FJ}. Ces auteurs étudient principalement l'espace des valuations centrées à l'origine, mais le cas des valuations centrées à l'infini est similaire, et est traité en détail dans le cas $n = 2$ dans~\cite[Appendix A]{FJ}. En particulier notre arbre $\Xl_2$ est un sous-arbre de l'arbre $\Vl_1$ introduit dans~\cite[\S A.3]{FJ}, mais avec des choix de normalisation différents. Le cas de la dimension $n$ quelconque est traité dans~\cite{BFJ}, et une structure affine simpliciale est mise en évidence qui en restriction à l'espace $\Xl_n$ correspond à nos appartements. Il serait intéressant d'explorer les relations entre les propriétés de l'espace de toutes les valuations et celles du sous-espace $\Xl_n$ que nous considérons dans cet article. Une autre question naturelle serait de comprendre les axes des isométries loxodromiques sur $\Xl_3$. Une telle étude pourrait déboucher sur une alternative de Tits pour $\Tame(\A^3)$, ou sur une compréhension des propriétés dynamiques des éléments de $\Tame(\A^3)$, comme la croissance des degrés sous itération. \subsection*{Remerciements} L'inspiration initiale de ce projet vient d'un mini-cours sur les immeubles euclidiens donné par Anne Parreau en août 2015 à Nancy, dans le cadre de la conférence Non-Positive Curvature \& Infinite Dimension, à laquelle participait le premier auteur. Merci à Anne Parreau pour ces lumineux exposés, à Junyi Xie pour de nombreuses discussions sur les valuations, et à Pierre-Marie Poloni qui nous a indiqué la référence~\cite{BEW}. Nous remercions également les rapporteurs dont les suggestions nous ont permis d'améliorer la présentation de l'article. \section{Espace de valuations}\label{sec:valuation} \subsection{Valuations} Une \emph{valuation} sur l'anneau $\K[x_1, \dots, x_n]$ est une fonction \[ \nu\colon \K[x_1,\,\dots,\,x_n] \to \R \cup \{+\infty\} \] telle que, pour tous polynômes $P_1, P_2$ : \begin{itemize} \item $\nu(P_1 + P_2) \ge \min \{ \nu(P_1), \nu(P_2) \}$; \item $\nu(P_1P_2) = \nu(P_1) + \nu(P_2)$; \item $\nu(P) = 0$ pour tout polynôme $P$ constant et non nul; \item $\nu(P) = +\infty$ si et seulement si $P = 0$. \end{itemize} On note $\Vl_n$ l'ensemble des classes de telles valuations, modulo homothétie par un réel positif. Si $P \in \K[x_1, \dots, x_n]$ est un polynôme et $g = (g_1,\,\dots,\,g_n) \in \Aut(\A^n)$ est un automorphisme, on note $g^*P$ le polynôme $P(g_1,\,\dots,\,g_n)$. Le groupe $\Aut(\A^n)$ agit (à gauche) sur l'ensemble des valuations via la formule : \[ (g \,\cdot \,\nu)(P) := \nu(g^*(P)). \] Cette action commute avec les homothéties, on obtient ainsi une action de $\Aut(\A^n)$ sur $\Vl_n$. Nous décrivons maintenant certaines \emph{valuations monomiales} formant un sous-ensemble de~$\Vl_n$. Nous notons $\W$ le quadrant positif de $\R^n$, c'est-à-dire \[ \W = \{\alpha = (\alpha_1,\,\dots,\,\alpha_n) \in \R^n;\, \alpha_i > 0 \text{ pour tout } i\}. \] Nous dirons que $\W$ est l'\emph{espace des poids}. On définit également le sous-espace des poids bien ordonnés \[ \W^+ = \left\{\alpha = (\alpha_1, \dots, \alpha_n);\, \alpha_1\,\ge\,\alpha_2\,\ge\,\dots\,\ge\,\alpha_n\,> 0\right\} \subset \W. \] Pour tout $\alpha = (\alpha_1,\,\dots,\,\alpha_n) \in \W$, nous notons $[\alpha_1,\,\dots,\,\alpha_n]$, ou simplement $[\alpha]$, la classe de $\alpha$ modulo homothétie par un réel positif, et nous notons $\PW$ la projectivisation de~$\W$, qui est un simplexe ouvert de dimension $n-1$. De même $\PW^+\subset \PW$ désignera le simplexe semi-ouvert qui est la projectivisation de $\W^+$. On équipe $\PW$ et $\PW^+$ de la topologie induite par $\bbP^{n-1}(\R)$. En particulier, nous dirons qu'un poids $[\alpha] \in \PW^+$ vérifiant $\alpha_1 > \alpha_2 > \dots > \alpha_n$ est à l'intérieur de $\PW^+$, et au contraire que $[\alpha]$ est dans la frontière de $\PW^+$ s'il existe deux indices $i > j$ tel que $\alpha_i = \alpha_j$. Il sera souvent utile de prolonger ces définitions pour inclure des poids avec certains coefficients nuls (mais pas tous), qu'on appellera le \emph{bord à l'infini} de $\PW$. \'Etant donné un poids $\alpha = (\alpha_1,\,\dots,\,\alpha_n) \in \W$, on définit une valuation monomiale~$\nu_{\id,\,\alpha}$ comme suit. Pour tout \[ P = \sum_{I = (i_1,\,\dots,\,i_n)} c_{I} x_1^{i_1}\,\dots\, x_n^{i_n} \in \K[x_1,\,\dots,\,x_n], \] on appelle support de $P$, noté $\supp P$, l'ensemble des multi-indices $I$ tels que $c_{I} \neq 0$, et l'on pose: \[ \nu_{\id,\,\alpha} \left(P \right) = \min_{I\,\in \,\supp\,P} \left(- \sum_{k=1}^n \alpha_k i_k \right). \] Autrement dit $-\nu_{\id,\,\alpha}(P)$ est le degré pondéré de $P$, où chaque variable $x_i$ est affectée du poids $\alpha_i$. Nous avons adopté le point de vue des valuations dans un souci de compatibilité avec des travaux existants, en particulier~\cite{FJ}. Observons que pour tout poids $\alpha\in \W$ et tout $t > 0$, on a $t \nu_{\id,\,\alpha} = \nu_{\id,\,t\,\alpha}$. Ainsi la classe d'homothétie de $\nu_{\id,\,\alpha}$ ne dépend que de $[\alpha]\in \PW$, et on la note $\nu_{\id,\,[\alpha]}\in \Vl_n$. Nous notons $\Ap_\id$ (resp.\ $\Ap_\id^+$) l'ensemble de toutes les classes $\nu_{\id,\,[\alpha]}$ avec $[\alpha] \in \PW$ (resp.\ $[\alpha] \in \PW^+$). Nous définissons alors l'espace $\Xl_n \subset \Vl_n$ (ou simplement $\Xl$ si la dimension est claire par contexte) comme l'orbite de $\Ap_\id$ sous l'action de $\TA$. Si $f \in \TA$, et $\alpha = (\alpha_1,\,\dots,\,\alpha_n) \in \W$, nous noterons \[ \nu_{f,\,\alpha} := f\,\cdot\, \nu_{\id,\,\alpha}. \] Explicitement, en notant $f^{-1} = (g_1,\,\dots,\,g_n)$, la valuation $\nu_{f, \alpha}$ est caractérisée par la propriété : $\nu_{f, \alpha} (g_i) = \alpha_i$ pour tout $1 \le i \le n$. En effet $\nu_{f, \alpha} (g_i) = f\,\cdot\,\nu_{\id,\,\alpha}(g_i) = \nu_{\id,\,\alpha}(g_i \circ f) = \nu_{\id,\,\alpha}(x_i)$. \`A nouveau, la classe d'homothétie de $\nu_{f, \alpha}$ ne dépend que de $[\alpha]\in \PW$, et on la note $\nu_{f,\, [\alpha]}$. On identifie le groupe symétrique $S_n$ à un sous-groupe de $\GL_n(\K)$, et donc aussi de $\TA$, via l'action par permutation sur les vecteurs de la base canonique de~$\K^n$. En termes de coordonnées cela équivaut à poser, pour tout $\sigma \in S_n$ : \[ \sigma = (x_{\sigma^{-1}(1)},\,\dots,\, x_{\sigma^{-1}(n)}) \in \TA. \] Ainsi, pour tous $f \in \TA$ et $P \in \K[x_1,\,\dots,\,x_n]$, on a \[ \sigma^*P = P\left(x_{\sigma^{-1}\,(1)},\,\dots,\, x_{\sigma^{-1}\,(n)}\right) \in \K[x_1,\,\dots,\,x_n]. \] De même, le groupe symétrique agit sur $\W$ par \[ \sigma (\alpha) = (\alpha_{\sigma^{-1}(1)},\,\dots,\, \alpha_{\sigma^{-1}(n)}). \] \begin{lemm}\label{lem:permute} Pour tous $f \in \TA$, $\alpha \in \W$, $\sigma \in S_n$, on a \[ \nu_{f\,\sigma,\,\alpha} = \nu_{f,\,\sigma(\alpha)}. \] \end{lemm} \begin{proof} La vérification est directe : \begin{align*} \nu_{f\,\sigma,\,\alpha}(P) = \nu_{\id,\,\alpha}((f\sigma)^*(P)) &=\nu_{\id,\, \alpha}\left(\sigma^*(f^*P)\right) =\nu_{\id,\, \alpha}(f^*P(x_{\sigma^{-1}(1)},\,\dots,\,x_{\sigma^{-1}(n)}))\\ &= \nu_{\id,\,\sigma(\alpha)} \left(f^*P\left(x_1,\,\dots,\,x_n\right)\right) = \nu_{f,\,\sigma(\alpha)} (P).\qedhere \end{align*} \end{proof} \begin{rema} La preuve précédente est élémentaire, mais en pratique la présence des $\sigma^{-1}$ peut facilement mener à des erreurs. On pourra en particulier se convaincre de la quatrième égalité en considérant l'exemple $f=\id, \sigma = (123)$. Il s'agit de vérifier \[ \nu_{\id,\,\left(\alpha_1,\,\alpha_2,\,\alpha_3\right)}\left(P\left(x_3, x_1, x _2\right)\right) = \nu_{\id,\,\left(\alpha_3,\,\alpha_1,\,\alpha_2\right)} \left(P\left(x_1,\,x_2,\,x_3\right)\right). \] Pour $P = x_1$, $P = x_2$ et $P=x_3$ ces valuations monomiales prennent respectivement les valeurs $\alpha_3, \alpha_1$ et $\alpha_2$, on en déduit qu'elles co\"incident sur tout $\K[x_1, x_2, x_3]$. \end{rema} \subsection{Appartements} Pour tout $f \in \TA$, nous appelons \emph{appartement} associé à $f$ l'ensemble \[ \Ap_f := f(\Ap_\id) = \left\{\nu_{f,\,[\alpha]} ;\, [\alpha] \in \PW \right\} \subset \Xl. \] En particulier $\Ap_{\id}$ sera appelé l'\emph{appartement standard}. De façon similaire nous\linebreak appelons \emph{chambre} associée à $f$ l'ensemble \[ \Ap_f^+ := f\left(\Ap_\id^+\right) = \left\{\nu_{f,\,[\alpha]} ;\, [\alpha] \in \PW^+ \right\} \subset \Ap_f, \] et nous appelons $\Ap_\id^+$ la \emph{chambre standard}. Le lemme~\ref{lem:permute} entraîne que l'appartement $\Ap_f$ associé à $f$ est la réunion des $n!$ chambres $\Ap^+_{f\sigma}$, où $\sigma \in S_n$ est une permutation. Pour tout poids $\alpha \in \W$, il existe un unique $\alpha^+ \in \W^+$ obtenu en réordonnant les $\alpha_i$. Cette application descend aux projectivisés en une application \[ [\alpha] \in \PW \mapsto [\alpha]^+ := [\alpha^+] \in \PW^+. \] Nous noterons $\alpha^+ = (\alpha_1^+,\,\dots,\,\alpha_n^+)$ les coordonnées de $\alpha^+$, en particulier \[ \alpha_1^+ = \max_{1\,\le\,i\,\le\,n} \alpha_i \;\text{ et }\; \alpha_n^+ = \min_{1\,\le\,i\,\le\,n} \alpha_i \] \begin{lemm}\label{lem:formes_lineaire} Soient $\ell_i,\,\dots,\,\ell_n$ des formes linéaires indépendantes sur $\K^n$, et $\nu = \nu_{\id,\,\alpha}$ pour un poids $\alpha \in \W$. Alors \[ -\nu(\ell_i) -\,\dots\,- \nu(\ell_n) \ge \alpha^+_i +\,\dots\,+ \alpha^+_n. \] \end{lemm} \begin{proof} Soit $\sigma \in S_n$ tel que $\alpha_j^+ = \alpha_{\sigma(j)}$ pour tout $1\leq j\leq n$. Pour une forme linéaire $\ell = \sum_{j=1}^n a_{\sigma(j)} x_{\sigma(j)}$, on a $-\nu(\ell) = \max \{\alpha_j^+ \mid a_{\sigma(j)}\neq 0 \}$. Donc si $-\nu(\ell) = \alpha_k^+$, $\ell$ ne dépend que des variables $x_{\sigma(k)},\,\dots,\,x_{\sigma(n)}$. Maintenant si $\ell_i, \dots, \ell_n$ sont indépendantes, elles ne peuvent pas toutes ne dépendre que des variables $x_{\sigma(i+1)}, \dots, x_{\sigma(n)}$, et donc il existe un indice $i \le j \le n$ tel que $-\nu(\ell_j) \ge \alpha_i^+$. On conclut par récurrence sur le nombre de formes linéaires. \end{proof} Observons que l'inégalité peut être stricte dans le lemme~\ref{lem:formes_lineaire}. Par exemple en dimension~$2$, si $\ell_1 = x_1$, $\ell_2 = x_1 + x_2$ et $\alpha = (2,1)$, on a \[ -\nu(\ell_1) - \nu(\ell_2) = 2 + 2 > 2 + 1 = \alpha_1^+ + \alpha_2^+. \] \begin{prop}\label{pro:alpha intrinseque} Soit $f,g \in \TA$, et $\alpha, \beta \in \W$. Si $\nu_{f,\,\alpha} = \nu_{g,\,\beta}$, alors $\alpha^+ = \beta^+$. \end{prop} \begin{proof} \'Etant donnée une valuation $\nu = \nu_{f,\,\alpha} \in \Xl$, on définit par récurrence descendante une suite $\gamma_i$ en posant, pour $i = n, n-1,\,\dots,\,1$: \[ \gamma_i := \inf \left(-\nu(h_i h_{i+1}\,\dots\,h_n)\right) - \sum_{j = i+1}^n \gamma_{j}, \] où l'infimum est pris sur les $(h_i,\,\dots,\,h_n)$ qui sont $n-i+1$ composantes distinctes d'un $h=(h_1,\,\ldots,\,h_n)\in\TA$. Nous allons voir que $(\gamma_1,\,\dots,\,\gamma_n) = (\alpha^+_1,\,\dots,\,\alpha^+_n)$, ce qui montrera que $\alpha^+ = \gamma$ est intrinsèquement défini. Observons d'abord que l'on peut supposer $f=\id$, car $\nu_{\id,\,\alpha} = f^{-1}\cdot\nu_{f,\,\alpha}$ et la définition de~$\gamma$ est par construction invariante sous l'action de $\TA$. Supposons que $\gamma_j = \alpha^+_j$ pour $j = i+1,\,\dots,\,n$ (ce qui correspond à une condition vide dans le cas $i = n$), et montrons que c'est aussi le cas pour $j = i$. Par définition \[ \gamma_i = \inf \left(-\nu(h_i h_{i+1}\,\dots\,h_n)\right) - \alpha^+_{i+1} -\,\dots\,- \alpha^+_n. \] Pour tout $h = (h_1,\,\dots,\,h_n) \in \TA$ les parties linéaires des polynômes $h_i,\,\dots,\linebreak h_n$ sont des formes indépendantes, car sinon $h$ ne serait pas inversible. Par le lemme~\ref{lem:formes_lineaire}, on a \[ -\nu(h_i h_{i+1}\,\dots\,h_n) = -\nu(h_i) -\,\dots\,- \nu(h_n) \ge \alpha^+_i +\,\dots\,+ \alpha^+_n \] et l'égalité est réalisée pour $h \in S_n$ une permutation telle que $h(\alpha) = \alpha^+$. On conclut que $\gamma_i = \alpha^+_i$. \end{proof} Nous dégageons trois conséquences immédiates : \begin{coro} ~\label{cor:intrin} \begin{enumerate}\romanenumi \item \label{cor:intrin1} Il existe une application bien définie $\wgt\colon \Xl \to \PW^+$, qui envoie $\nu_{f,\,[\alpha]}$ sur $[\alpha]^+$, et qui est donc une bijection en restriction à chaque chambre $\Ap^+_f$. \item \label{cor:intrin2} La chambre standard $\Ap_{\id}^+$ est un domaine fondamental pour l'action de $\TA$ sur~$\Xl$, c'est-à-dire toute orbite rencontre $\Ap_{\id}^+$ en exactement un point. \item \label{cor:intrin3} Soit $\alpha = (\alpha_1,\,\dots,\,\alpha_n) \in \W^+$ et $f = (f_1,\,\dots,\,f_n) \in \TA$. Si $f\cdot \nu_{\id,\,[\alpha]} = \nu_{\id,\,[\alpha]}$, alors $f \cdot \nu_{\id,\,\alpha} = \nu_{\id,\,\alpha}$. \end{enumerate} \end{coro} \begin{proof} Explicitons l'argument pour~\eqref{cor:intrin3}: si $f\cdot \nu_{\id,\,[\alpha]} = \nu_{\id,\,[\alpha]}$ alors $\nu_{f,\,\alpha} = f\,\cdot\,\nu_{\id,\,\alpha} = \nu_{\id,\,t\alpha}$ pour un certain réel $t > 0$. La proposition~\ref{pro:alpha intrinseque} donne $\alpha^+ = t\alpha^+$, d'où $t = 1$. \end{proof} \begin{rema} Pour chaque appartement $\Ap_f$ et chaque choix de $\sigma \in S_n$, on a une application \begin{align*} \Ap_f &\mapsto \PW \\ \nu_{f\,\sigma,\,[\alpha]} &\to [\alpha] \end{align*} Cependant il n'est pas possible de faire des choix cohérents qui permettraient d'étendre cette application à $\Xl$. Par exemple, en dimension $n = 2$, il n'est déjà pas possible d'étendre cette application à l'union des trois appartements $\Ap_\id \cup \Ap_f\cup \Ap_g$ pour $f=(x_2, x_1+x_2)$ et $g=(x_1+x_2, x_1)$. Intuitivement, cela vient du fait que ces appartements forment un \og~tripode\fg{}. Formellement, chacun de ces appartements contient deux parmi les trois valuations suivantes : \begin{align*} \nu_{\id,\,[1,2]}=\nu_{f,\,[2,1]},&& \nu_{f,\,[1,2]}=\nu_{g,\,[2,1]}, &&\nu_{g,\,[1,2]}=\nu_{\id,\,[2,1]}, \end{align*} et chacune devrait être envoyée sur $[1,2]$ ou $[2,1]$. Cependant, il n'existe pas d'applica\-tion depuis un ensemble de cardinalité $3$ vers un ensemble de cardinalité $2$ qui soit injective sur chaque paire. On proposera dans le lemme~\ref{lem:rho} un remède partiel à cet état de fait. \end{rema} Nous noterons $\Fix(f)$ le sous-ensemble de $\Xl$ fixé par $f$. Puisque nous ne considérons jamais les points fixes de $f$ comme automorphisme de l'espace affine $\K^n$, cette notation ne devrait pas porter à confusion. \begin{coro}\label{cor:intersection chambres} Soit $f \in \TA$ et $\Fix(f)\subset \Xl$ son ensemble de points fixes. Alors \[ \Ap^+_f \cap \Ap^+_\id = \Fix(f) \cap \Ap^+_\id. \] \end{coro} \begin{proof} Si $\nu_{\id,\,[\alpha]} \in \Fix(f) \cap \Ap^+_\id$, on a \[ \nu_{f,\,[\alpha]} = f(\nu_{\id,\,[\alpha]}) = \nu_{\id,\,[\alpha]} \in \Ap^+_f \cap \Ap^+_\id. \] Réciproquement tout point $\nu_{f,\,[\alpha]} = \nu_{\id,\,[\beta]} \in \Ap_f^+ \cap \Ap_\id^+$ vérifie $[\alpha] = [\alpha]^+ = [\beta]^+ = [\beta]$, où la deuxième égalité est la proposition~\ref{pro:alpha intrinseque}. On a donc $f(\nu_{\id,\,[\alpha]}) = \nu_{f,\,[\alpha]} = \nu_{\id,\,[\alpha]}$, autrement dit $\nu_{\id,\,[\alpha]} \in \Fix(f) \cap \Ap^+_\id$ comme attendu. \end{proof} D'après le corollaire~\ref{cor:intersection chambres}, afin de décrire les intersections entre chambres il faut comprendre les lieux $\Fix(f)\cap \Ap^+_\id$, ce que nous allons faire dans les deux sections qui suivent. \section{Stabilisateurs}\label{sec:stabilizers} Soit $\alpha = (\alpha_1,\,\dots,\,\alpha_n) \in \W^+$. Nous allons déterminer le stabilisateur $\Stab(\nu_{\id,\,[\alpha]})$ de la classe $\nu_{\id,\,[\alpha]}$ pour l'action de $\TA$ sur $\Xl$. Le groupe des \emph{automorphismes triangulaires}, qui est un sous-groupe de $\TA$, jouera ici un rôle important. Rappelons qu'un automorphisme est dit triangulaire s'il est de la forme \[ (x_1,\,\dots,\,x_n) \mapsto (a_1 x_1 + P_1(x_2,\,\ldots,\,x_n),\,\ldots,\,a_i x_i + P_i(x_{i+1},\,\ldots,\,x_n),\,\ldots,\,a_n x_n + c). \] \'Ecrivons \[ \alpha = (\underbrace{\gamma_1,\,\dots,\,\gamma_1}_{m_1 \text{ fois}},\,\dots,\, \underbrace{\gamma_r,\,\dots,\,\gamma_r}_{m_r \text{ fois}}) \] avec $\gamma_1 >\,\dots\,> \gamma_r > 0$, on a donc $\sum_{i = 1}^r m_i = n$. Nous définissons maintenant deux sous-groupes $L_\alpha$ et $M_\alpha$ de $\TA$, dont on vérifie immédiatement que ce sont des sous-groupes de $\Stab(\nu_{\id,\,[\alpha]})$. Tout d'abord \[ L_\alpha \simeq \GL_{m_1}(\K) \times \dots \times \GL_{m_r}(\K) \] est le sous-groupe de $\GL_n(\K)$ des matrices diagonales par blocs de taille $m_i$. En particulier $L_\alpha$ contient le sous-groupe des matrices diagonales. Pour tout indice $i = 1,\,\dots,\,n$, notons $1 \le b(i) \le r$ le numéro du bloc auquel appartient l'indice $i$, c'est-à-dire tel que $\alpha_i = \gamma_{b(i)}$. Nous définissons $M_\alpha$ comme le sous-groupe du groupe des automorphismes triangulaires de la forme \[ (x_1,\,\dots,\,x_n) \mapsto (x_1 + P_1,\,\dots,\,x_i + P_i, \,\dots,\,x_n +c), \] où chaque $P_i$ satisfait $\alpha_i \ge - \nu_{\alpha} (P_i)$ et ne dépend que des variables $x_j$ avec $b(j) > b(i)$. En particulier $M_\alpha$ contient le sous-groupe des translations. \`A noter que les définitions de $L_\alpha$ et $M_\alpha$ ne dépendent que de la classe d'homothétie de $\alpha$. Observer aussi que le groupe $\langle L_\alpha, M_\alpha \rangle$ contient toujours le sous-groupe des matrices triangulaires supérieures. \begin{exem} ~\label{exple:stab} \begin{enumerate}\romanenumi \item \label{exple:stab1} Si $\alpha = (1,\,\dots,\,1)$, alors $L_\alpha = \GL_n(\K)$ et $M_\alpha$ est le groupe des translations. \item \label{exple:stab2} Si $\alpha = (\alpha_1,\,\dots,\,\alpha_n)$ avec $\alpha_1 >\, \dots\,> \alpha_n$, alors $L_\alpha$ est le groupe des matrices diagonales, et $M_\alpha$ est le groupe des automorphismes triangulaires \[ (x_1,\,\dots,\,x_n) \mapsto (x_1 + P_1,\,\dots,\,x_i + P_i,\,\dots) \] où les $P_i$ satisfont $\alpha_i \ge -\nu_{\alpha} (P_i)$. \end{enumerate} Remarquons qu'en dimension $n = 2$, les deux exemples précédents couvrent tous les cas possibles. En dimension $n = 3$, il y a deux autres possibilités (ici nous utilisons la notation $\deg P$ pour le degré ordinaire d'un polynôme $P$, c'est-à-dire chaque variable est affectée du poids 1) : \begin{enumerate}\romanenumi \setcounter{enumi}{2} \item \label{exple:stab3} Si $\alpha = (\alpha_1, 1, 1)$ avec $\alpha_1 > 1$, alors \begin{align*} L_\alpha &= \left\{\left(a x_1, bx_2 + cx_3, b'x_2 + c'x_3\right) \right\} \subset \GL_3(\K), \\ M_\alpha &= \left\{\left(x_1 + P(x_2,x_3), x_2 + d, x_3 + d'\right); \, \alpha_1\,\ge\,\deg P \right\}. \end{align*} \item \label{exple:stab4} Si $\alpha = (\alpha_1, \alpha_1, 1)$ avec $\alpha_1 > 1$, alors \begin{align*} L_\alpha &= \left\{\left(a x_1 + bx_2, a'x_1 + b'x_2, cx_3\right) \right\} \subset \GL_3(\K), \\ M_\alpha &= \left\{\left(x_1 + P(x_3), x_2 + Q(x_3), x_3 + d\right); \, \alpha_1 \ge \deg P,\deg Q \right\}. \end{align*} \end{enumerate} \end{exem} \begin{prop}\label{pro:stabilisateur} Soit $\nu_{\id,\,[\alpha]} \in \Ap^+_\id$. Alors le stabilisateur de $\nu_{\id,\,[\alpha]}$ pour l'action de $\TA$ sur $\Xl$ est le produit semi-direct de $M_\alpha$ et $L_\alpha$ : \[ \Stab(\nu_{\id,\,[\alpha]}) = M_\alpha \rtimes L_\alpha. \] \end{prop} \begin{proof} Considérons $f = (f_1,\,\dots,\,f_n) \in \Stab(\nu_{\id,\,[\alpha]})$. Grâce au corollaire~\ref{cor:intrin}$\MK$\eqref{cor:intrin3}, nous avons $f \in \Stab(\nu_{\id,\,\alpha})$. En composant par une translation, qui est un élément de $M_\alpha$, nous pouvons supposer que les $f_i$ n'ont pas de terme constant. Pour chaque indice $i$, nous écrivons $f_i = \ell_i + P_i$, avec $\ell_i$ linéaire et $P_i$ dont tous les monômes sont de degré au moins 2. La condition \[ \alpha_i = -\nu_{\id,\,\alpha}(x_i) = -(f\,\cdot\,\nu_{\id,\,\alpha})(x_i) = -\nu_{\id,\,\alpha}(\ell_i + P_i) \ge -\nu_{\id,\,\alpha}(P_i) \] implique que $P_i$ ne dépend que des variables $x_j$ vérifiant $\alpha_i > \alpha_j$. Donc en composant par un élément de $M_\alpha$ nous pouvons nous ramener au cas où tous les $P_i$ sont nuls. On obtient ainsi un élément de $\GL_n(\K) \cap \Stab(\nu_{\id,\,\alpha})$, qui doit être triangulaire par blocs de taille $m_i \times m_j$. En particulier, nous pouvons écrire une telle matrice comme la composée d'un élément de $L_\alpha$ et de $\GL_n(\K) \cap M_\alpha$. On conclut que $\Stab(\nu_{\id,\,[\alpha]}) = \langle M_\alpha, L_\alpha \rangle$. Par construction $M_\alpha \cap L_\alpha = \{\id\}$, et le fait que $M_\alpha$ soit normalisé par $L_\alpha$ est un calcul immédiat. \end{proof} \begin{coro}\label{cor:stab chambre} Le stabilisateur dans $\TA$ de la chambre standard $\Ap^+_\id$ est le produit semi-direct du groupe des translations et du groupe des matrices triangulaires supérieures. En particulier, $f\in \TA$ fixe chaque point de $\Ap_\id$ si et seulement si $f$ est de la forme \[ f = \left(c_1 x_1 + t_1, c_2 x_2 + t_2,\,\dots\,\right). \] \end{coro} \begin{proof} Soit $f \in \Stab(\Ap^+_\id)$, et $\alpha \in \W^+$. Par le corollaire~\ref{cor:intrin}$\MK$\eqref{cor:intrin3}, on a $\nu_{f,\alpha} = f(\nu_{\id,\,\alpha}) = \nu_{\id,\,\beta}$ pour un certain $\beta \in \W^+$, et par la proposition~\ref{pro:alpha intrinseque}, $\alpha = \alpha^+ = \beta^+ = \beta$. Autrement dit $f$ fixe point par point les éléments de $\Ap^+_\id$. En particulier $f$ fixe la valuation monomiale de poids $(1,\, \dots,\,1)$, ce qui correspond à l'exemple~\ref{exple:stab}$\MK$\eqref{exple:stab1}. En composant par une translation, on peut donc supposer $f \in \GL_n(\K)$. Si on considère ensuite $\alpha$ tel que $ \alpha_1 > \dots > \alpha_n > 0$, alors $f \in \Stab(\nu_{\id,\,[\alpha]})$ et relève de l'exemple~\ref{exple:stab}$\MK$\eqref{exple:stab2}. Comme on vient de voir que $f$ est linéaire, on obtient que $f$ est triangulaire supérieure. Ainsi $\Stab(\Ap_\id^+)$ est le groupe affine triangulaire, et donc égal au produit semi-direct annoncé. La deuxième assertion s'obtient en conjuguant par des éléments du groupe symé\-trique. \end{proof} On peut utiliser le corollaire~\ref{cor:stab chambre} pour démontrer la fidélité de l'action de $\TA$ sur~$\Xl$. On reporte la preuve à l'appendice (proposition~\ref{pro:fidele}) car cet énoncé n'est pas nécessaire pour la preuve du théorème~\ref{thm:main}. Appelons \emph{face} de $\PW^+$ le sous-ensemble de $\PW^+$ défini par un certain nombre d'égalités de la forme $\alpha_k=\alpha_{k+1}$. Une \emph{face} de $\Xl$ est un ensemble de valuations $\nu_{f,\,[\alpha]}$, pour $f\in\TA$ fixé et $[\alpha]$ dans une face fixée de $\PW^+$. Soit $\Delta$ le poset des classes à gauche de $\GL_n(\K)$ par rapport aux sous-groupes paraboliques standards. Rappelons suivant~\cite[Definition~6.32]{AB} que $\Delta$ est l'im\-meuble sphérique $\Delta(G,B)$ pour $G=\GL_n(\K)$ et $B$ le sous-groupe des matrices triangulaires supérieures. \begin{lemm}\label{lem:GL} Le poset des faces de $\Xl$ contenant $\nu_{\id,\,[1,\,\ldots,\, 1]}$ est isomorphe à $\Delta$. \end{lemm} \begin{proof} Par le corollaire~\ref{cor:stab chambre} le sous-groupe $\GL_n(\K)\subset \Stab(\nu_{\id,\,[1,\,\ldots,\,1]})$ agit transitivement sur les faces de $\Xl$ contenant $\nu_{\id,\,[1,\,\ldots,\,1]}$. De plus, par la proposition~\ref{pro:stabilisateur}, les stabilisateurs dans $\GL_n(\K)$ des faces de $\Xl$ contenues dans $\Ap^+_\id$ sont les sous-groupes paraboliques standards de $\GL_n(\K)$. Ainsi les faces de $\Xl$ contenant $\nu_{\id,\,[1,\,\ldots,\,1]}$ correspondent aux classes à gauche de $\GL_n(\K)$ par rapport aux sous-groupes paraboliques standards. \end{proof} Notons $\Tame_0(\A^n) \subset \TA$ le sous-groupe des automorphismes modérés fixant l'origine de $\A^n$. Tout automorphisme $f \in \TA$ s'écrit sous la forme $f = f_0 \circ t$, où $f_0 \in \Tame_0(\A^n)$ et $t$ est la translation qui envoie $f^{-1}(0)$ sur $0$. Par le corollaire~\ref{cor:stab chambre}, les translations fixent point par point l'appartement standard $\Ap_\id$, donc on a $\Ap_f = \Ap_{f_0}$. Ainsi $\Xl$ est couvert par les $\Ap_{f_0}$ avec $f_0 \in \Tame_0(\A^n)$. Soit $\Diff\colon\Tame_0(\A^n)\to \GL_n(\K)$ la différentielle à l'origine, ou autrement dit l'homomorphisme qui oublie tous les termes de degré~$> 1$ en $x_1,\,\ldots,\,x_n$. Par ailleurs, pour chaque $a\in \GL_n(\K)$ la décomposition de Bruhat~\cite[IV.2]{Bourbaki} donne un unique $\sigma_a\in S_n$ tel que $a\in B_n\sigma_aB_n$, où $B_n\subset \GL_n(\K)$ est le sous-groupe des matrices triangulaires supérieures. Pour chaque $f\in \Tame_0(\A^n)$, notons $\sigma_f:=\sigma_{\Diff(f)}$. \begin{lemm}\label{lem:rho} \begin{enumerate}\romanenumi \item L'application $\rho\colon \Xl\to \PW$ qui a tout $\nu=\nu_{f,\,[\alpha]} \in \Xl$ avec $f \in \Tame_0(\A^n)$ et $\alpha\in \W^+$ associe $\rho(\nu)=[\sigma_f(\alpha)]\in \PW$ est bien définie. \item L'application $\wgt$ du corollaire~\ref{cor:intrin}$\MK$\eqref{cor:intrin1} factorise par $\rho$, au sens où le diagramme suivant commute $($on suppose toujours $f \in \Tame_0(\A^n)$ et $\alpha\in \W^+)$ : \[ \begin{tikzcd} \nu_{f,\,[\alpha]} \in \Xl \ar[rr,"\wgt"] \ar[dr,"\rho",swap]&& \PW^+ \ni [\alpha]^+ = \left[\sigma_f(\alpha)\right]^+ \\ & {\left[\sigma_f(\alpha)\right]} \in \PW \ar[ur] \end{tikzcd} \] \item \label{lem:rho_goodprojection} Soit $f\in \Tame_0(\A^n)$ tel que $\Diff(f)\in B_n$. Alors pour tout $\alpha\in \W$ on a $\rho(\nu_{f,\,[\alpha]})=[\alpha]$. \end{enumerate} \end{lemm} \begin{proof} \begin{enumerate}\romanenumi \item Soient $f,g \in \Tame_0(\A^n)$ et $\alpha, \beta \in \W^+$ tel que $\nu_{f,\,[\alpha]}=\nu_{g,\,[\beta]}$. Par la proposition~\ref{pro:alpha intrinseque} on a $[\alpha] = [\beta]$. Il s'agit maintenant de montrer que $\sigma_g=\sigma_f \circ \sigma$ pour une permutation $\sigma\in S_n$ vérifiant $\sigma(\alpha)=\alpha$. Notons donc $\Sigma\subset S_n$ le sous-groupe des permutations fixant~$\alpha$. Observons que puisque $\alpha \in \W^+$, le groupe $\Sigma$ est engendré par un sous-ensemble des générateurs standards $\sigma_i=(i,i+1)\in S_n$. Par la proposition~\ref{pro:stabilisateur}, $f^{-1}g\in M_\alpha\rtimes L_\alpha$. Notons que $\Diff(M_\alpha \cap \Tame_0(\A^n))\subset B_n$. De plus, en considérant une décomposition de Bruhat pour chaque bloc on obtient $L_\alpha\subset B_n\Sigma B_n$. Ainsi $\Diff(g)\in \Diff(f)B_n\Sigma B_n$, donc $\Diff(g)\in B_n\sigma_fB_n\sigma_{i_1}\,\cdots\,\sigma_{i_k}B_n$, où les $\sigma_{i_j} \in \Sigma$ sont des générateurs standards. Par un des axiomes des systèmes de Tits (l'axiome (T3) dans~\cite[IV.2]{Bourbaki}), il existe un sous-produit $\sigma$ du produit $\sigma_{i_1}\,\cdots\,\sigma_{i_k}$ tel que $\Diff(g)\in B_n \sigma_f\sigma B_n$. Ainsi $\sigma_g=\sigma_f\sigma$, comme attendu. \item Ce point est immédiat, puisque par définition pour tout poids $\alpha$ et toute permutation~$\sigma$ on a $[\alpha]^+ = [\sigma(\alpha)]^+$. \item L'hypothèse $\Diff(f)\in B_n$ implique $\sigma_f=\id$. \'Etant donné $\alpha \in \W$, écrivons $\alpha=\sigma(\alpha^+)$ avec $\alpha^+\in \W^+,\sigma\in S_n$. On a $\Diff(f\sigma)= \Diff(f)\sigma\in B_n\sigma$, et par conséquent $\sigma_{f \sigma}=\sigma$. Ainsi par le lemme~\ref{lem:permute}, \[ \rho(\nu_{f,\,[\alpha]})=\rho(\nu_{f,\,[\sigma(\alpha^+)]})=\rho (\nu_{f\sigma,\,[\alpha^+]})=[\sigma (\alpha^+)] = [\alpha], \] comme attendu. \qedhere \end{enumerate} \end{proof} \begin{coro}\label{cor:intersection appartements} Soit $f \in \TA$ tel que $\Ap_f$ partage un point avec l'inté\-rieur de $\Ap^+_\id$. Alors il existe $\sigma\in S_n$ tel que $\Ap_f \cap \Ap_\id = \Fix(f\sigma) \cap \Ap_\id$ \end{coro} \begin{proof} Quitte à composer $f$ à droite par une translation, on peut supposer $f \in \Tame_0(\A^n)$. Pour chaque $\sigma\in S_n$ on a $\Ap_f=\Ap_{f\,\sigma}$, d'où l'inclusion $\Fix(f\sigma) \cap \Ap_\id\subset \Ap_{f\sigma} \cap \Ap_\id=\Ap_f \cap \Ap_\id$. Pour la réciproque, par hypothèse il existe $[\alpha']$ à l'intérieur de $\PW^+$ avec $\nu_{\id,\,[\alpha']}\in \Ap_f$. Par la proposition~\ref{pro:alpha intrinseque} et le lemme~\ref{lem:permute}, \[ \nu_{\id,\,[\alpha']}=\nu_{f,\,[\sigma(\alpha')]}=\nu_{f\sigma,\,[\alpha']} \] pour un certain $\sigma\in S_n$. Par la proposition~\ref{pro:stabilisateur} et l'exemple~\ref{exple:stab}$\MK$\eqref{exple:stab2}, $\Diff(f\sigma)\in B_n$, on peut donc appliquer le lemme~\ref{lem:rho}$\MK$\eqref{lem:rho_goodprojection} à $f\sigma$. Ainsi pour chaque $\nu =\nu_{f\sigma,\,[\alpha]} \in \Ap_f$ on a $\rho(\nu)=[\alpha]$. Si de plus $\nu\in \Ap_\id$, de nouveau par le lemme~\ref{lem:rho}$\MK$\eqref{lem:rho_goodprojection} appliqué à $\id$ on a $\nu=\nu_{\id,\,[\alpha]}$. Ainsi $\nu\in \Fix(f\sigma)$ comme attendu. \end{proof} \section{Points fixes}\label{sec:pointfixes} \subsection{\'Equations admissibles} Nous dirons qu'un poids $\alpha \in \W$ satisfait une \emph{équation admissible} s'il existe des entiers $m_j \ge 0$ non tous nuls et un indice $i$ tel que \begin{equation}\label{eq:alpha} \alpha_i = \sum_{j\,\neq\,i} m_j \alpha_j. \end{equation} Nous appelons \emph{hyperplan admissible} associé à une telle équation l'ensemble des $\alpha\in \W$ vérifiant l'équation, et \emph{demi-espace admissible} l'ensemble des $\alpha$ vérifiant l'inégalité \[ \alpha_i \ge \sum_{j\,\neq\,i} m_j \alpha_j. \] En particulier, si l'équation admissible n'est pas de forme $\alpha_i=\alpha_k$, alors le demi-espace admissible est le demi-espace ne contenant pas $(1,\,\dots,\,1)$. On utilisera également la terminologie d'\emph{hyperplans} et de \emph{demi-espaces admissibles} pour leurs projectivisations dans $\PW$. Par exemple, quand $n=2$ les hyperplans admissibles de $\PW$ sont les points $[p,1]$ et $[1,p]$, où $p \ge 1$ est entier, et les demi-espaces admissibles sont les intervalles semi-ouverts de $[p,1]$ vers le point au bord à l'infini $[1,0]$, ou de $[1,p]$ vers $[0,1]$. Quand $n=3$ les hyperplans admissibles dans~$\PW$ sont des segments de droites que nous appellerons \emph{droites admissibles} (voir figure~\ref{fig:nervure}). Parmi les hyperplans admissibles, dans $\W$ aussi bien que dans $\PW$, nous appelons \emph{hyperplan principal} tout hyperplan d'équation de la forme $\alpha_i = m_k \alpha_k$, pour des indices $i \neq k$. Autrement dit dans l'équation~\eqref{eq:alpha} nous demandons que tous les $m_j$ sauf un soient nul. Géométriquement les hyperplans principaux dans $\PW$ sont exactement les hyperplans admissibles passant par $n-2$ sommets du simplexe. \begin{figure}[ht] \includegraphics[scale=1]{Figures/Figure-4-1.pdf} \caption{Quelques droites admissibles, principales ou non, dans le cas $n = 3$.} \label{fig:nervure} \end{figure} \begin{lemm}\label{lem:finite} Pour tout compact $K \subset \PW$, l'ensemble des hyperplans admissibles rencontrant $K$ est fini. \end{lemm} \begin{proof} Pour tout entier $p \ge 1$, posons \[ K_p = \left\lbrace [\alpha];\, p \ge \frac{\alpha_1^+}{\alpha_n^+} \right\rbrace. \] Comme $K$ est compact, la fonction $[\alpha]\mapsto \frac{\alpha_1^+}{\alpha_n^+}$ est bornée sur $K$, donc il est suffisant de prouver le lemme pour $K = K_p$. Or ceci découle de l'observation que si $\sum_{j\,\neq\,i} m_j > p$ dans~\eqref{eq:alpha}, alors pour tout $[\alpha] \in K_p$ \[ \sum_{j\,\neq\,i} m_j \alpha_j > p \alpha_n^+ \ge \alpha_1^+ \ge \alpha_i, \] et donc l'hyperplan admissible correspondant ne rencontre pas $K_p$. \end{proof} Pour $\alpha\in \W$ on définit la \emph{multiplicité} $\mult(\alpha)=\mult([\alpha])$ comme le nombre d'équations admissibles satisfaites par $\alpha$. Comme conséquence immédiate du lemme~\ref{lem:finite}, on a $\mult([\alpha])<\infty$ pour tout $[\alpha]\in \PW$. On obtient également : \begin{rema}\label{rem:nervure} Soit $[\alpha] \in \PW$, et notons $\Hl_{[\alpha]} \subset \PW$ la réunion de tous les hyperplans admissibles ne passant pas par $[\alpha]$. Notons $U$ la composante connexe contenant $[\alpha]$ de $\PW \setminus \Hl_{[\alpha]}$. Alors par le lemme~\ref{lem:finite} $U$ est un voisinage de $[\alpha]$ dans $\PW$, qui par construction n'intersecte aucun autre hyperplan admissible que ceux passant par $[\alpha]$. \end{rema} \begin{rema}\label{rem:lieu fixe} Pour tout $L \subset \PW$ un demi-espace admissible, il existe $g \in \TA$ tel que $g(\nu_{\id,\,[\alpha]}) = \nu_{\id,\,[\alpha]}$ si et seulement si $[\alpha] \in L$. En effet, quitte à composer par une permutation on peut supposer que l'inégalité définissant $L$ est de la forme $\alpha_1 \ge \sum_{i\,\ge\,2} m_i \alpha_i$, et alors $g = (x_1 + x_2^{m_2}\,\dots\,x_n^{m_n}, x_2,\,\dots,\,x_n)$ convient. \end{rema} Plus généralement, les demi-espaces admissibles permettent de caractériser le lieu fixé par un automorphisme. \begin{prop}\label{pro:lieu fixe} Soit $f = (f_1,\,\dots,\,f_n) \in \TA$ et $\alpha = (\alpha_1,\, \dots,\,\alpha_n) \in \W$. Alors $\nu_{\id,\,[\alpha]} \in \Fix(f) \cap \Ap_\id$ si et seulement si $\alpha$ satisfait chaque inégalité de la forme \[ \alpha_{i} \ge \sum_{k = 1}^r m_{j_k} \alpha_{j_k}, \] où $i = 1,\dots, n$ et $x_{j_1}^{m_{j_1}}\,\dots\,x_{j_r}^{m_{j_r}}$ est un monôme (distinct de $x_i$) apparaissant dans le polynôme~$f_i$. \end{prop} \begin{proof} On s'intéresse aux classes d'homothétie $\nu_{\id,\,[\alpha]}$ fixées par $f$, ce qui par le corollaire~\ref{cor:intrin}$\MK$\eqref{cor:intrin3} revient à trouver les valuations $\nu_{\id,\,\alpha}$ fixées par $f$. Supposons la valuation $\nu = \nu_{\id,\,\alpha}$ fixée par~$f$, ce qui revient à dire que pour chaque~$i$ on a $-\nu(f_i) = \alpha_i$. En particulier pour chaque monôme $x_{j_1}^{m_{j_1}}\,\dots\,x_{j_r}^{m_{j_r}}$ distinct de $x_i$ apparaissant dans $f_i$ on doit avoir \[ \alpha_{i} = -\nu(f_i) \ge -\nu\left(x_{j_1}^{m_{j_1}}\,\dots\, x_{j_r}^{m_{j_r}}\right) =\sum_{k = 1}^r m_{j_k} \alpha_{j_k}. \] Ceci implique que $i \not \in \{ j_1,\,\dots,\,j_r\}$, et donne la liste attendue d'équations admissibles. Réciproquement, supposons que $\alpha$ satisfasse toutes ces inégalités. Notons $\ell_i$ la partie linéaire de la composante $f_i$, on a donc $(\ell_1,\,\dots,\,\ell_n) \in \GL_n(\K)$ et $-\nu(f_i)\geq -\nu(\ell_i)$ pour chaque $i$. Par le lemme~\ref{lem:formes_lineaire}, pour toute valuation $\nu = \nu_{\id,\alpha}$ nous avons \[ -\nu(\ell_1)-\,\cdots\, -\nu(\ell_n)\geq \alpha_1+\cdots +\alpha_n. \] Le fait que $\alpha_i$ satisfasse les inégalités données par les monômes des $f_i$ donne $\alpha_i \ge -\nu(f_i)$ pour tout $i$. On obtient $\alpha_i \ge -\nu(\ell_i)$ pour tout $i$, et si l'une de ces inégalités était stricte, alors on obtiendrait une contradiction \[ \alpha_1 +\dots +\alpha_n > -\nu(\ell_1) - \dots -\nu(\ell_n) \ge \alpha_1 +\dots +\alpha_n. \] On conclut que $\alpha_i = -\nu(f_i) = -\nu(\ell_i)$ pour tout $i$, et donc $f$ fixe $\nu_{\id,\alpha}$ comme attendu. \end{proof} Par la proposition~\ref{pro:lieu fixe}, pour chaque automorphisme linéaire ou élémentaire $f\in \TA$ on a $\Ap_f\cap\Ap_\id\neq \emptyset$. Puisque $\TA$ est engendré par les automorphismes linéaires et élémentaires, on obtient immédiatement : \begin{coro}\label{cor:connexe} Pour tous $f,g \in \TA$, il existe une suite $f_0,\, \dots, \,f_k \in \TA$ tel que $f = f_0$, $g = f_k$, et $\Ap_{f_{i-1}} \cap \Ap_{f_i} \neq \emptyset$ pour chaque $i = 1,\, \dots, \,k$. \end{coro} \begin{exam} Si $g = (x_1 + x_2^3, x_2)$ et $h = (x_1, x_2 + x_1^2)$, alors les appartements $\Ap_h$, $\Ap_\id$, $\Ap_g$ et $\Ap_{gh}$ forment une suite d'appartements de $\Xl_2$ tel que chaque couple d'appartements consécutifs s'intersectent, voir figure~\ref{fig:chaine_appart}. On établira plus loin dans la section~\ref{sec:arbre} que, comme suggéré par la figure, $\Xl_2$ admet une structure d'arbre. \end{exam} \begin{figure}[ht] \[ \begin{tikzpicture}[xscale = 2, yscale=1, font=\scriptsize] \coordinate [label=above:$\nu_{gh,\,[1,1]}$] (gh 11) at (2,3); \coordinate [label=above:$\nu_{gh,\,[2,1]}$] (gh 21) at (3,3); \coordinate [label=above:$\nu_{gh,\,[3,1]}$] (gh 31) at (3.7,3); \coordinate [label=above:$\Ap_{gh}$] (gh 41) at (5,3); \coordinate [label=above:$\Ap_{g}$](g 13) at (0,2); \coordinate [label=below:${\nu_{g,\,[1,2]} = \nu_{gh, [1,2]}}$] (g 12) at (1,2); \coordinate [label=above:$\nu_{g,\,[1,1]}$] (g 11) at (2,2); \coordinate [label=above:$\nu_{g,\,[2,1]}$] (g 21) at (3,2); \coordinate (id left) at (-1,1); \coordinate (id 13) at (0,1); \coordinate [label=above:${\nu_{\id,\,[1,2]} = \nu_{h,\, [1,2]}}$] (id 12) at (1,1); \coordinate [label=above:$\nu_{\id,\,[1,1]}$] (id 11) at (2,1); \coordinate [label=above:$\nu_{\id,\,[2,1]}$] (id 21) at (3,1); \coordinate [label=below:${\nu_{\id,\,[3,1]} = \nu_{g, [3,1]}}$] (id 31) at (3.7,1); \coordinate [label=above:$\Ap_{\id}$] (id 41) at (5,1); \coordinate [label=below:$\nu_{h,\,[1,1]}$] (h 11) at (2,0); \coordinate [label=below:$\nu_{h,\,[2,1]}$] (h 21) at (3,0); \coordinate [label=below:$\nu_{h,\,[3,1]}$] (h 31) at (3.7,0); \coordinate [label=above:$\Ap_{h}$] (h 41) at (5,0); \draw (g 13)--(g 12)--(gh 11)--(gh 41) (g 12)--(g 21)--(id 31)--(id 41) (id 12)--(id 31) (id 13)--(id 12)--(h 11)--(h 41); \foreach \v in {gh 11, gh 21, gh 31, g 12, g 11, g 21, id 12, id 11, id 21, id 31, h 11, h 21, h 31} { \node[circle,fill=black,minimum size=4pt,inner sep=0pt] at (\v) {}; } \end{tikzpicture} \] \caption{Quatre appartements dans $\Xl_2$} \label{fig:chaine_appart} \end{figure} La proposition~\ref{pro:lieu fixe} a aussi les conséquences suivantes : \begin{coro}\label{cor:stabjump} Soient $\alpha',\alpha''\in \W$. Supposons que chaque demi-espace admissible contenant $\alpha'$ contient $\alpha''$. Alors le stabilisateur dans $\TA$ de $\nu_{\id,\,[\alpha']}$ est contenu dans le stabilisateur de $\nu_{\id,\,[\alpha'']}$. \end{coro} \begin{proof} Soit $f\in \TA$. Par la proposition~\ref{pro:lieu fixe}, $\Fix(f) \cap \Ap_\id=\{\nu_{\id,\,[\alpha]}\}$ où $[\alpha]\in L_1\cap\, \ldots \,\cap L_k$, intersection de demi-espaces admissibles de $\PW$. Si $\nu_{\id,\,[\alpha']}\in \Fix(f)$, alors $[\alpha']\in L_i$ pour chaque $i=1,\,\ldots, \,k$. Par l'hypothèse, $[\alpha'']\in L_i$ pour chaque $i=1,\,\ldots,\, k$. Donc $\nu_{\id,\,[\alpha'']}\in \Fix(f)$, comme attendu. \end{proof} \begin{coro}\label{cor:stab} Soient $n=3$ et $\alpha\colon (t_0,\infty)\to \intl(\W^+)$ une courbe le long de laquelle $\frac{\alpha_1}{\alpha_2}$ et $\frac{\alpha_2}{\alpha_3}$ sont non décroissantes. Alors les stabilisateurs dans $\TA$ des points $\nu_{\id,\,[\alpha(t)]}$ forment une famille croissante de groupes. \end{coro} \begin{proof} Soient $t\in (t_0,\infty)$ et $f\in \TA$ tels que $\nu_{\id,\,[\alpha(t)]}\in \Fix(f)$. Si $L$ est un demi-espace admissible dans $\PW$ contenant $[\alpha(t)]$, vu que $\alpha_1(t) > \alpha_2(t) > \alpha_3(t)$, l'inégalité définissant $L$ est de la forme $\alpha_2 \ge m_3\alpha_3$ ou $\alpha_1 \ge m_2\alpha_2+m_3\alpha_3$. Puisque $\frac{\alpha_1}{\alpha_2}$ et $\frac{\alpha_2}{\alpha_3}$ sont non décroissantes le long de $\alpha(t)$, dans tous les cas $[\alpha(t')]\in L$ pour $t'\geq t$. Par le corollaire~\ref{cor:stabjump}, on obtient $\nu_{\id,\,[\alpha(t')]}\in \Fix(f)$. \end{proof} \subsection{Autour de \texorpdfstring{$[m,p,1]$}{[m,p,1]}} \label{sec:mp1} On se place maintenant en dimension $n = 3$, et on va étudier plus précisément les intersections d'appartements autour d'une valuation $\nu_{\id,\,[\alpha]}$ de poids $\alpha=(m,p,1)$ avec $m \ge p \ge 1$ deux entiers. \begin{rema}\label{rem:mp1} Soient $p \ge 1$ un entier et $\alpha \in \W^+$ avec $\alpha_2 = p \alpha_3$ et $\mult (\alpha) \ge 2$. Chaque autre équation admissible pour $\alpha$ est de la forme $\alpha_1=m_2\alpha_2+m_3\alpha_3$, ce qui entraîne $\alpha_1=m_2p\alpha_3+m_3\alpha_3=(m_2p+m_3)\alpha_3$. Donc $\alpha=[m,p,1]$ pour $m=m_2p+m_3$. \end{rema} Observons qu'il existe des poids $\alpha \in \W^+$ avec $\mult (\alpha) \ge 2$ qui ne sont pas de cette forme, par exemple $(6,3,2)$ vérifiant $\alpha_1 = 2 \alpha_2$ et $\alpha_1 = 3 \alpha_3$, ou encore $(11,3,2)$ vérifiant $\alpha_1 = 3 \alpha_2 + \alpha_3$ et $\alpha_1 = \alpha_2 + 4 \alpha_3$. \begin{rema}\label{rem:mp1_equations} Fixons $m \ge p \ge 1$ deux entiers, et notons $m = pq + r$ la division euclidienne de $m$ par $p$. Le poids $\alpha=(m,p,1)$ satisfait exactement $q+2$ équations admissibles, qui sont $\alpha_2 = p\alpha_3$ et $\alpha_1 = a\alpha_2 + (m-pa)\alpha_3$, $a = 0, \,\dots,\, q$. Ces équations correspondent respectivement aux directions de $[m,p,1]$ vers $[1,0,0]$ (ou $[0,p,1]$) et vers $[m-pa,0,1]$ (ou $[a,1,0]$). \end{rema} Soit $\alpha$ dans l'intérieur de $\W^+$ et $U \subset \PW^+$ le voisinage de $[\alpha]$ de la remarque~\ref{rem:nervure}. Soient $f,g\in \TA$ avec $\nu:=\nu_{f,\,[\alpha]}=\nu_{g,\,[\alpha]}$. Notons $U_{f,\,g}:=\{[\alpha']\in U;\ \nu_{f,\,[\alpha']}=\nu_{g,\,[\alpha']}\}\subset \PW^+$. On dira que $\Ap_f$ et $\Ap_g$ sont \emph{localement équivalents} en $\nu$, noté $f \sim_{\nu} g$, si $U_{f,\,g}=U$. Si $\nu=\nu_{\id,\,[\alpha]}$ avec $\alpha=(m,p,1)$, $m > p > 1$, rappelons que $M_\alpha\subset \Stab(\nu)$ est le sous-groupe des automorphismes \[ \left(x_1 + P(x_2, x_3), x_2 + Q(x_3), x_3 + d\right) \] avec $-\nu(P) \leq m$, $-\nu(Q)=\deg Q \leq p$. Définissons alors $N_\alpha\subset M_\alpha$ comme le sous-groupe des automorphismes avec $-\nu(P) < m$, $\deg Q
p > 1$. \begin{enumerate}\romanenumi \item \label{lem:normal1} Pour chaque $f\in \Stab(\nu)$ il existe $g\in M_\alpha$ tel que $\Ap_f^+ = \Ap_g^+$, et donc en particulier $f\sim_\nu g$. \item \label{lem:normal1bis} Soit $h \in M_\alpha$. Alors $\id \sim_\nu h$ si et seulement si $h \in N_{\alpha}$. \item \label{lem:normal2} $N_\alpha$ est normal dans $M_\alpha$. En particulier pour $f,g\in M_\alpha$ on a $f \sim_\nu g$ si et seulement si $f$ et $g$ deviennent égaux dans le quotient $M_\alpha /N_\alpha$. \end{enumerate} \end{lemm} \begin{proofc} \begin{itemize} \item[\eqref{lem:normal1}] On est dans le cadre de l'exemple~\ref{exple:stab}$\MK$\eqref{exple:stab2}, donc la proposition~\ref{pro:stabilisateur} donne \[ f = \big(x_1 + P(x_2, x_3), x_2 + Q(x_3), x_3+d\big) \circ (a_1x_1, a_2x_2, a_3x_3) \in M_\alpha \rtimes L_\alpha, \] avec $-\nu(P) \le m$, $\deg Q \le p$. Par le corollaire~\ref{cor:stab chambre} on a $\Ap^+_\id=\Ap^+_a$ où $a = (a_1x_1, a_2x_2, a_3x_3)$. On conclut en prenant \[ g= (x_1 + P(x_2, x_3), x_2 + Q(x_3), x_3+d). \] \item[\eqref{lem:normal1bis}] Ce point découle de la proposition~\ref{pro:lieu fixe}, en remarquant que $h \in N_\alpha$ si et seulement si le poids $\alpha$ est contenu dans l'intérieur de chaque demi-espace admissible associé à un monôme de l'une des composantes de $h$. \item[\eqref{lem:normal2}] Considérons \begin{align*} f &= \big(x_1 + P(x_2, x_3), x_2 + Q(x_3), x_3+d\big)\in M_\alpha,\\ g &= \big(x_1 + P'(x_2, x_3), x_2 + Q'(x_3), x_3+d'\big)\in N_\alpha,\\ f^{-1} &= \Big(x_1 - P\big(x_2-Q(x_3-d), x_3-d\big), x_2 - Q(x_3-d), x_3-d\Big). \end{align*} Posons \begin{align*} Q''(x_3)&=Q(x_3)-Q(x_3+d'),\\ P''(x_2,x_3)&=P(x_2,x_3)-P\big(x_2+Q''(x_3)+Q'(x_3+d),x_3+d'\big). \end{align*} Alors \begin{multline*} f^{-1}gf \\ \begin{aligned} &=f^{-1}\Big(x_1+P(x_2,x_3)+P'\big(x_2+Q(x_3), x_3+d\big),\\ &\mkern333mu x_2+Q(x_3)+Q'(x_3+d),x_3+d+d'\Big)\\ &=\Big(x_1+P''(x_2,x_3)+P'\big(x_2+Q(x_3), x_3+d\big),x_2+Q''(x_3)+Q'(x_3+d), x_3+d'\Big). \end{aligned} \end{multline*} Puisque $\deg Q'
p > 1$ et $f,g\in M_\alpha$. Si $U_{f,\,g} \neq U$, alors $U_{f,\,g}$ est l'intersection de $U$ avec un secteur $S_{f,\,g} \subset \PW$ centré en $[\alpha]$, et $g \sim_\nu fh$ pour un automorphisme triangulaire $h$ que l'on peut choisir de la forme suivante, en fonction des deux demi-droites du secteur $S_{f,\,g}$:
\begin{enumerate}\romanenumi
\item \label{lem:secteur1}
Si l'une des demi-droites de $S_{f,\,g}$ est dirigée vers $[m-pa, 0,1]$, alors l'autre demi-droite est dirigée vers $[b, 1,0]$ avec $\lfloor \frac{m}{p} \rfloor \ge b \ge a \ge 0$, et
\[
h = \left(x_1 + \sum_{i = a}^{b} c_i x_2^i x_3^{m - pi}, x_2, x_3\right), \quad c_a \neq 0, c_b \neq 0.
\]
\item \label{lem:secteur2}
Si l'une des demi-droites de $S_{f,g}$ est dirigée vers $[0,p,1]$, alors $S_{f,g}$ est le demi-espace $ \alpha_2/\alpha_3 \ge p$ et
\[
h = \left(x_1, x_2 + cx_3^p, x_3\right), \quad c\neq0.
\]
\item \label{lem:secteur3}
Si l'une des demi-droites de $S_{f,\,g}$ est dirigée vers $[1,0,0]$ et $S_{f,\,g}$ n'est pas un demi-espace, alors l'autre demi-droite est dirigée vers $[b, 1,0]$ avec $\lfloor \frac{m}{p} \rfloor \ge b \ge 0$ et
\[
h = \left(x_1 + \sum_{i = 0}^{b} c_i x_2^i x_3^{m - pi}, x_2 + cx_3^p, x_3\right),
\quad c_b \neq 0, c\neq0.
\]
\end{enumerate}
\end{lemm}
\begin{proof}
Par le corollaire~\ref{cor:intrin}$\MK$\eqref{cor:intrin2} on peut supposer $f = \id$.
\'Ecrivons
\[
g = \left(x_1 + P(x_2, x_3), x_2 + Q(x_3), x_3+d\right),
\]
avec $-\nu(P) \le m$, $\deg Q \le p$. Par le lemme~\ref{lem:normal}, quitte à composer par un élément de $N_\alpha$ on peut supposer $d=0$, $Q$ homogène de degré $p$, et $P$ homogène de degré~$m$ avec les variables $x_2$, $x_3$ de poids respectifs $p$, $1$. Ceci donne le $h$ attendu : par la proposition~\ref{pro:lieu fixe} les trois cas de l'énoncé correspondent respectivement à~\eqref{lem:secteur1} $Q= 0$, \eqref{lem:secteur2} $P=0$, et~\eqref{lem:secteur3} $P$ et $Q$ tous deux non nuls. Le cas $Q=P=0$ est exclu par l'hypothèse $U_{\id,\,g}\neq U$.
\end{proof}
\begin{example}[figure~\ref{fig:321}]
Si $\alpha = (3,2,1)$, il y a exactement 3 droites admissibles passant par $[\alpha]$, correspondant aux équations:
\begin{align*}
\alpha_2 &= 2\alpha_3; &
\alpha_1 &= 3\alpha_3; &
\alpha_1 &= \alpha_2 + \alpha_3.
\end{align*}
Observer que l'équation $2\alpha_1 = 3\alpha_2$ est également satisfaite par $\alpha$, mais par définition n'est pas une équation admissible. Pour tout choix des coefficients $c_i$, l'automorphisme suivant est un élément de $\Stab(\nu_{\id,\,[\alpha]})$:
\[
\left(x_1 + c_0 x_3^3 + c_1 x_2x_3, x_2 + c_2 x_3^2, x_3\right).
\]
En annulant certains coefficients parmi les $c_i$, on peut réaliser chacun des six secteurs~$S_{f,\,g}$ centrés en $[\alpha]$ prédits par le lemme~\ref{lem:secteur commun}.
\end{example}
\section{Distance} \label{sec:metrique}
\subsection{Espace de longueur}
D'après le corollaire~\ref{cor:intrin}$\MK$\eqref{cor:intrin2}, $\Xl$ est la réunion des translatés de $\Ap^+_{\id}$ sous l'action de $\Tame(\A^n)$. Nous pouvons donc identifier $\Xl$ avec $(\bigsqcup \Ap^+_f)/\sim$, réunion disjointe de copies de $\Ap_{\id}^+$ indicées par $\Tame(\A^n)$, quotientée par une relation d’équivalence~$\sim$. On commet ici l'abus d'écriture de noter $\Ap^+_f$ aussi bien la chambre dans $\Xl$ que sa copie qui nous sert dans la construction abstraite par union disjointe et quotient.
Afin de munir $\Xl$ d'une distance, concentrons-nous d'abord sur (chaque copie de)~$\Ap_{\id}^+$ et plus précisément, via l'application $\wgt$ du corollaire~\ref{cor:intrin}$\MK$\eqref{cor:intrin1}, sur le simplexe des poids projectivisés $\PW^+$. Nous identifions chaque $[\alpha]\in \PW^+$ avec son représentant dans~$\W^+$ contenu dans l'hyperbolo\"{\i}de $\prod \alpha_i = 1$. Passant aux logarithmes $\beta_i=\log \alpha_i$, nous obtenons
\[
\PW^+ = \left\lbrace \alpha = \left(\exp \beta_1, \,\dots, \,\exp \beta_n\right); \beta_1\geq \,\dots\, \geq \beta_n, \sum \beta_i = 0 \right\rbrace.
\]
Nous munissons alors $\PW^+$ de la distance $|\cdot,\,\cdot|$ induite par la distance euclidienne de $\R^n=\{(\beta_1,\,\ldots,\,\beta_n)\}$. Cela la rend isométrique à la chambre de Weyl définie par les inégalités $\beta_1\geq \,\dots\, \geq \beta_n$ dans
\[
\R^{n-1} = \left\lbrace \left(\beta_1,\,\dots,\,\beta_n\right) \in \R^n;\; \sum \beta_i = 0 \right\rbrace.
\]
Notons que la même application de passage aux logarithmes identifie le simplexe~$\PW$ entier avec $(\R^{n-1},|\cdot,\cdot|)$, où $\R^{n-1}$ est l'hyperplan d'équation $\sum \beta_i = 0$ et $|\cdot,\cdot|$ dénote toujours la distance induite par la distance euclidienne de $\R^n$. Ce procédé de définir une distance en passant aux logarithmes des poids est celui utilisé dans~\cite{BT, Parreau2000} dans le contexte de l'immeuble de $\SL_n(\F)$. Si on ne passait pas aux logarithmes, l'espace total obtenu ne serait plus localement $\CAT(0)$, voir plus loin l'exemple~\ref{exple:angles}. Un autre choix \emph{a priori} naturel serait d'équiper le simplexe~$\PW$ de la distance de Hilbert. Cependant dès que le bord d'un domaine convexe contient deux segments de droite engendrant un plan, la distance de Hilbert n'est pas uniquement géodésique~\cite[Theorem~5.6.8]{Pa}, et en particulier n'est pas $\CAT(0)$.
\begin{lemm}\label{lem:convex}
Chaque demi-espace admissible de $\PW$ est un domaine convexe sous l'identification avec $(\R^{n-1},|\cdot,\cdot|)$.
\end{lemm}
\begin{proof}
Considérons une équation admissible $\alpha_1 = \sum_{j\,>\,1} m_j \alpha_j$. Le domaine des solutions de l'inégalité $\alpha_1 \geq \sum_{j\,>\,1} m_j \alpha_j$ dans $(\R^{n-1},|\cdot,\,\cdot|)$ étant fermé, pour obtenir sa convexité il suffit de démontrer que pour chaque $\beta,\beta'$ à la frontière du domaine, le point $\tfrac{\beta+\beta'}{2}$ est dans le domaine. Pour de tels $(\beta_i)=(\log \alpha_i)$, $(\beta'_i)=(\log \alpha'_i)$ on a $\alpha_1 = \sum_{j\,>\,1} m_j \alpha_j$ et $\alpha'_1 = \sum_{j\,>\,1} m_j \alpha'_j$. On doit donc vérifier
\begin{multline*}
\exp\left(\frac{\log (m_2\alpha_2+\cdots +m_n\alpha_n)+\log(m_2\alpha'_2+\cdots +m_n\alpha'_n)}{2}\right) \geq \\
m_2\exp\left(\frac{\log\alpha_2+\log\alpha_2'}{2}\right)+ \cdots+m_n\exp\left(\frac{\log\alpha_n+\log\alpha_n'}{2}\right),
\end{multline*}
que l'on peut encore écrire
\begin{multline*}
\sqrt{\left(m_2\alpha_2+\cdots +m_n\alpha_n\right)\left(m_2\alpha'_2+\cdots +m_n\alpha'_n\right)} \geq \\ \sqrt{(m_2\alpha_2)(m_2\alpha'_2)}+\cdots+\sqrt{(m_n\alpha_n)(m_n\alpha'_n)}.
\end{multline*}
En passant au carré, on obtient l'inégalité équivalente :
\begin{align*}
\frac12 \sum_{j,\,k}\big((m_j\alpha_j)(m_k\alpha'_k)+(m_k\alpha_k)(m_j\alpha'_j)\big)&\geq \sum_{j,\,k}\sqrt{(m_j\alpha_j)(m_j\alpha'_j)(m_k\alpha_k)(m_k\alpha'_k)}.
\end{align*}
Cette dernière découle directement de la classique inégalité des moyennes arithmético-géomé\-triques $\frac{x + y}{2} \ge \sqrt{xy}$.
\end{proof}
\begin{rema}\label{rem:droites}
Les hyperplans principaux sont encore des hyperplans pour la distance $|\cdot,\cdot|$. Pour $n=3$ les droites principales dans $\PW$ forment 3 familles des droites parallèles s'intersectant avec des angles $\pi/3$. On représente sur la figure~\ref{fig:homeo} les droites principales dans $\PW$ avec à gauche la distance du simplexe, et à droite la distance $(\R^2,|\cdot,\,\cdot|)$. Sont également représentées, en rouge et bleu, deux droites admissibles mais non principales de $\PW$: leurs images dans $\R^2$ deviennent des courbes, et le demi-espace admissible devient un convexe.
\end{rema}
\begin{figure}[ht]
\includegraphics[scale=1]{Figures/Figure-5-1.pdf}
\caption{Homéomorphisme entre $\PW$ et $\R^2$.}\label{fig:homeo}
\end{figure}
\`A travers l'identification $[\alpha]\mapsto \nu_{f,\,[\alpha]}$ de $\PW^+$ avec $\Ap_{f}^+$, on munit chaque chambre~$\Ap_{f}^+$ d'une distance que l'on note encore $|\cdot,\,\cdot|$. Considérons maintenant
\[
\overline x,\overline y\in \Xl=\Big(\bigsqcup \Ap^+_f\Big)/\sim.
\]
Nous définissons la distance $d_\Xl(\overline x,\overline y)$ de la manière suivante :
\begin{defi}\label{def:chaîne}
Une \emph{chaîne} (de \emph{longueur} $k$) est une suite
\[
\left(x'_0,x_1\sim x_1',x_2\sim x_2',\,\ldots,\,x_{k-1}\sim x'_{k-1},x_k\right)
\]
dans $\bigsqcup \Ap^+_f$ telle qu'il existe $f_0,\,\ldots,\, f_{k-1}\in\TA$ avec $x_i',x_{i+1}\in \Ap_{f_i}^+$. La distance $d_\Xl(\overline x,\overline y)$ est définie comme l'infimum des sommes
\[
\sum_{i=0}^{k-1}\left|x'_i,x_{i+1}\right|,
\]
pour tous les entiers~$k$ et toutes les chaînes de longueur $k$, avec $x_0'\in\overline x$ (c'est-à-dire $x'_0$ un représentant de~$\overline x$) et $x_k\in\overline y$. Suivant~\cite[I.5.19]{BH}, nous appelons $d_\Xl$ la \emph{pseudo-distance quotient}.
\end{defi}
\begin{prop}\label{pro:metrique}
La pseudo-distance quotient $d_\Xl$ est une distance, et $\Xl$ muni de cette distance est un espace de longueur.
\end{prop}
\begin{proof}
Pour montrer que $d_\Xl$ est une distance, d'après~\cite[I.5.28]{BH} il suffit de vérifier les deux propriétés ci-dessous. De plus, $\Xl$ sera alors un espace de longueur par~\cite[I.5.20]{BH}.
\begin{enumerate}
\item \label{pro:metrique1}
Pour tous $x,z\in \Ap^+_f, x',z'\in \Ap^+_{f'}$ tels que $x\sim x'$ et $z\sim z'$, on a $|x,z|=|x',z'|$.
\item \label{pro:metrique2}
Pour tout $\overline x\in \Xl$ il existe $\eps=\eps (\overline x) > 0$ tel que $\bigcup_{x\,\in\,\overline x}B(x,\eps)$ est une réunion de classes d’équivalence pour la relation $\sim$, où $B(x,\eps)$ dénote une boule ouverte dans chaque $(\Ap_f^+,|\cdot,\,\cdot|)$.
\end{enumerate}
La propriété~\eqref{pro:metrique1} est une conséquence directe de la proposition~\ref{pro:alpha intrinseque}.
Pour établir la propriété~\eqref{pro:metrique2}, si $x=\nu_{f,\,[\alpha]}\in \Ap^+_{f}$, choisissons d'abord $\eps >0$ suffisamment petit pour que sous l'identification de $\Ap^+_{f}$ avec $\PW^+\subset \PW$, le voisinage $U$ de $[\alpha]$ de la remarque~\ref{rem:nervure} contienne $B(x,\eps)$. Ainsi $B(x,\eps)$ n'intersecte aucun autre hyperplan admissible que ceux passant par $[\alpha]$. Ceux-ci sont lisses dans les coordonnées de $(\R^{n-1},|\cdot,\,\cdot|)$, et sont en nombre fini à nouveau par le lemme~\ref{lem:finite}, donc quitte à diminuer $\eps$, pour chaque $y\in B(x,\eps)$ il existe un chemin de $y$ vers $x$ dans $B(x,\eps)$ le long duquel la multiplicité est constante, sauf peut-être en l'extrémité $x$ où elle peut augmenter. Notons que $\eps=\eps([\alpha])$ ne dépend pas de $f$ mais seulement de $[\alpha]$, grâce à la proposition~\ref{pro:alpha intrinseque}. Ainsi $\eps(\overline x)$ est bien défini.
Considérons maintenant $y\in B(x,\eps)\subset \Ap^+_{f}$, et soit $y'\sim y$ avec $y'\in \Ap^+_{f'}$. En utilisant l'action de $\TA$ (et en remplaçant $f$ par $f'^{-1}f$) on peut supposer $f'=\id$. Par la proposition~\ref{pro:alpha intrinseque}, la relation $y'\sim y$ se traduit par $\overline{y}\in \Fix(f)$. Par définition de~$\eps$, il existe un chemin de $y$ vers $x$ dont tous les points sont contenus dans le même ensemble d'hyperplans admissibles (sauf peut-être $x$ qui est alors contenu dans un ensemble d'hyperplans encore plus grand). Alors par le corollaire~\ref{cor:stabjump}, on a $\overline{x}\in \Fix(f)$, et donc le point $x'\in \Ap^+_{\id}$ de poids $[\alpha]$ satisfait $x'\sim x$. Finalement $y'\in \bigcup_{x\,\in\,\overline x}B(x,\eps)$, et cet ensemble est donc bien saturé pour la relation d'équivalence~$\sim$.
\end{proof}
Dans le lemme qui suit nous conservons les notations $B(z,\eps)$ et $\overline {B}(z, \eps)$ pour les boules respectivement ouvertes ou fermées dans une chambre $\Ap^+_f$, et nous utilisons les notations $B_\Xl(\overline z, \eps)$, $\overline {B}_\Xl(\overline z, \eps)$ pour les boules dans $\Xl$ par rapport à $d_\Xl$.
\begin{lemm}\label{lem:boule}
Soit $\overline z\in \Xl$ et $\eps = \eps(\overline z)$ vérifiant la propriété~\eqref{pro:metrique2} ci-dessus. Soit $\V(\overline z,\eps)=\bigsqcup_{z\,\in\,\overline z}B(z,\eps)/\sim$ avec la pseudo-distance quotient induite de $\bigsqcup_{z\,\in\,\overline z}B(z,\eps)$. De même, soit
\[
\overline{\V}(\overline z,\,{\frac{\eps}{4}})=\bigsqcup_{z\,\in\,\overline z}\overline{B}(z,{\frac{\eps}{4}})/\sim
\]
avec la pseudo-distance quotient induite de $\bigsqcup_{z\,\in\, \overline z}\overline{B}(z,\,{\frac{\eps}{4}})$. Alors
\begin{enumerate}\alphenumi
\item \label{boule_a}
$\V(\overline z,\eps)\subset \Xl$ co\"{\i}ncide comme ensemble avec $B_{\Xl}(\overline z,\eps)$, et
\item \label{boule_b}
$\overline{\V}(\overline z,{\frac{\eps}{4}})$ est isométrique à la boule $\overline{B}_{\Xl}(\overline z,\frac{\eps}{4})$.
\end{enumerate}
\end{lemm}
\begin{proof}
D'après~\cite[I.5.27$\MK$(1,2)]{BH}, l'ensemble $\V(\overline z,\eps)\subset \Xl$ co\"{\i}ncide avec $B_{\Xl}(\overline z,\eps)$ et l'ensemble $\overline{\V}(\overline z,{\frac{\eps}{4}})\subset \Xl$ co\"{\i}ncide avec $\overline{B}_{\Xl}(\overline z,{\frac{\eps}{4}})$. De plus, d'après \cite[I.5.27$\MK$(3)]{BH}, cette dernière identification est une isométrie pour les distances induites par les espaces ambiants $\V(\overline z,\eps)$ et $\Xl$. Observer que nous prenons un rayon~$\eps/4$, au lieu de $\eps/2$ dans~\cite{BH}, parce que nous voulons travailler ici avec des boules fermées.
Il reste à remarquer que $\overline{\V}(\overline z,\frac{\eps}{4})$ est isométriquement plongé dans $\V(\overline z,\eps)$, car pour tous $\overline x, \overline y$ dans $\overline{\V}(\overline z,{\frac{\eps}{4}})$ et toute chaîne dans $\bigsqcup_{z\,\in\,\overline z}B(z,\eps)$ de la forme $(x'_0\in \overline x,x_1\sim x_1',\,\ldots,\,x_k\in \overline y)$ comme précédemment, nous pouvons la remplacer par la chaîne suivante. Les points $x_i',x_i$ appartiennent aux boules $B(z_i, \eps), B(z_{i-1},\eps)$ dans $\Ap^+_{f_i},\Ap^+_{f_{i-1}}$, pour $z_i,z_{i-1}$ dans $\Ap^+_{f_i},\Ap^+_{f_{i-1}}$ représentant $\overline {z}$. Appelons $p(x_i')$ la projection radiale (par rapport au centre $z_i$) de $x_i'$ sur $\overline {B}(z_i, \frac{\eps}{4})$ dans $\Ap^+_{f_i}$ et définissons de même $p(x_i)\in \overline {B}(z_{i-1}, \frac{\eps}{4})$. Par la définition d'une chaîne on a $x_i\sim x_i'$. Par la proposition~\ref{pro:alpha intrinseque} cela veut dire, en supposant pour simplicité que $f_{i-1}=\id$, que $f_i$ fixe $\overline{x}_i$. Puisque $f_i$ fixe aussi $\overline{z}$, par la convexité de $\Fix(f_i)$ dans $\Ap^+_\id$ qui vient du lemme~\ref{lem:convex} et de la proposition~\ref{pro:lieu fixe}, on obtient que $f_i$ fixe $\overline{p(x_i)}$. Alors $p(x_i)\sim p~(x_i')$ et les projections forment une chaîne avec
\[
\sum_{i=0}^{k-1}\left|p(x'_i),p(x_{i+1})\right|\leq\sum_{i=0}^{k-1}\left|x'_i,x_{i+1}\right|.\qedhere
\]
\end{proof}
\begin{lemm}\label{lem:restriction}\ \\*[-1.5em]
\begin{enumerate}\romanenumi
\item \label{lemma5.6.1} L'application $\wgt\colon (\Xl, d_\Xl)\to (\PW^+,|\cdot,\,\cdot|)$ du corollaire~\ref{cor:intrin}$\MK$\eqref{cor:intrin1} est une isométrie en restriction à chaque $\Ap^+_f$.
\item \label{lemma5.6.2}L'application $\rho\colon (\Xl, d_\Xl)\to (\PW,|\cdot,\,\cdot|)$ du lemme~\ref{lem:rho} est une isométrie en restriction à chaque $\Ap^+_f$.
\item \label{lemma5.6.3}Les applications $\wgt\colon \Xl \to \PW^+$ et $\rho\colon \Xl \to \PW$ n'accroissent pas les distances.
\end{enumerate}
\end{lemm}
\goodbreak
\begin{proofc}
\begin{itemize}
\item[\eqref{lemma5.6.1}] Soit $\overline{x},\overline {y}\in \Ap^+_f$. Soit $(x'_0,x_1\sim x_1',x_2\sim x_2',\,\ldots,\,x_{k-1}\sim x'_{k-1},x_k)$ une chaîne avec $x'_0\in \overline{x}, x_k\in \overline{y}$. Alors
\[
\sum_{i=0}^{k-1}\left|x'_i,x_{i+1}\right|=\sum_{i=0}^{k-1} \left| \wgt(\overline{x}_{i}), \wgt(\overline{x}_{i+1})\right|\geq \left|\wgt(\overline{x}), \wgt(\overline{y})\right|
\]
avec l'égalité pour la chaîne triviale de longueur $k=1$. Ainsi $d_\Xl(\overline{x}, \overline {y})= |\wgt(\overline{x}), \wgt(\overline{y})|$.
\item[\eqref{lemma5.6.2}] Par le corollaire~\ref{cor:stab chambre} on peut supposer $f\in \Tame_0(\A^n)$. Par définition pour $\alpha\in \W^+$ on a $\rho(\nu_{f,[\alpha]})=[\sigma_f(\alpha)]$, où $\sigma_f$ est la permutation associée à $f$ définie juste avant le lemme~\ref{lem:rho}. Alors le point~\eqref{lemma5.6.2} découle du point~\eqref{lemma5.6.1} et du fait que l'application $[\alpha]\to [\sigma_f(\alpha)]$ est une isométrie de $(\PW^+,|\cdot,\cdot|)$ sur son image dans $(\PW,|\cdot,\cdot|)$.
\item[\eqref{lemma5.6.3}] Grâce aux points précédents c'est une conséquence immédiate de la définition de la distance $d_\Xl$. \qedhere
\end{itemize}
\end{proofc}
\begin{rema}\label{rem:plonge}
L'application $e\colon (\PW,|\cdot,\cdot|) \to (\Xl, d_\Xl)$ définie par $e([\alpha])=\nu_{\id,\,[\alpha]}$ n'accroît pas la distance. Par le lemme~\ref{lem:restriction}$\MK$\eqref{lemma5.6.3}, $\rho$ aussi n'accroît pas la distance. De plus, par le lemme~\ref{lem:rho}$\MK$\eqref{lem:rho_goodprojection}, $\rho\circ e$ est l'identité. Ainsi, $\Ap_\id$ identifié avec $\R^{n-1}$ est isométriquement plongé dans $\Xl$. En utilisant l'action de $\TA$ on obtient que chaque appartement $\Ap_f$ est un $\R^{n-1}$ isométriquement plongé, ce qui justifie la notation $\Ap$ pour \og~Euclidien\fg{}.
\end{rema}
\begin{lemm}\label{lem:complet}
L'espace $\Xl$ est complet.
\end{lemm}
\begin{proof}
Soit $(\nu_m)$ une suite de Cauchy dans $\Xl$. Par le lemme~\ref{lem:restriction}$\MK$\eqref{lemma5.6.3}, $(\wgt(\nu_m))$ est aussi une suite de Cauchy, et admet une limite $[\alpha]\in \PW^+$ puisque $(\PW^+,|\cdot,\,\cdot|)$ est fermé dans $\R^{n-1}$. Soit $\eps=\eps([\alpha])$ correspondant à la propriété~\eqref{pro:metrique2} dans la preuve de la proposition~\ref{pro:metrique}. Soit $M$ suffisamment grand tel que pour chaque $m\geq M$ on ait
\[
d_\Xl(\nu_M,\nu_{m}) < \frac{\eps}{2}
\text{ et } \left|\wgt(\nu_{m}),[\alpha]\right| < \frac{\eps}{2}.
\]
Si $\nu_M\in \Ap^+_{f}$, soit $\overline{z}=\nu_{f,\,[\alpha]}$. Ainsi pour $m\geq M$ on a $\nu_{m}\in B_{\Xl}(\overline{z},\eps)=\V(\overline{z},\eps)$ par le lemme~\ref{lem:boule}$\MK$\eqref{boule_a}. Par définition de $\V(\overline{z},\eps)$, pour chaque $m\geq M$ il existe $z_{m}\in \overline{z}$ avec $\nu_{m}\in B(z_{m},\eps)$. Donc $d_\Xl(\overline{z}, \nu_{m})\leq |[\alpha],\wgt(\nu_{m})|$ qui tend vers 0 quand $m$ tend vers l'infini. Ainsi $\nu_m\to \overline z$.
\end{proof}
Finalement, remarquons que puisque pour tous $f,g \in \TA$ l'action de $f$ induit une isométrie de $\Ap_g$ vers $\Ap_{fg}$, l'action de $\TA$ sur $\Xl$ est par isométries. De plus, par le corollaire~\ref{cor:connexe}, $\Xl$ est connexe.
\subsection{Un lemme angulaire}
\begin{lemm}\label{lem:angle}
Soit $\alpha=(m,p,1)\in\W$ et $0\leq k\leq m$. Dans $\PW$ considérons les demi-droites (voir figure~\ref{fig:angles}) :
\begin{itemize}
\item $c_1$ de $[\alpha]$ vers $[0,0,1]$;
\item $c_2$ de $[\alpha]$ vers $[k,0,1]$;
\item $c_3$ de $[\alpha]$ vers $[m-k,0,1]$;
\item $c_4$ de $[\alpha]$ vers $[m,0,1]$.
\end{itemize}
Les $c_i$ deviennent des courbes lisses pour la distance $|\cdot,\cdot|$ de $\R^2$. Pour $1 \le i < j \le 4$, notons $\theta_{ij}$ l'angle au point $[\alpha]$ entre les courbes $c_i$ et $c_j$, pour la distance $|\cdot,\cdot|$. Alors $\theta_{12} = \theta_{34}$, ou de façon équivalente $\theta_{12} + \theta_{13} = \pi/3$.
\end{lemm}
\begin{figure}[ht]
\begin{tikzpicture}[scale = 12,font=\small,rotate = -60]
\coordinate (010) at (0,0);
\coordinate (100) at (1,0);
\coordinate [label=left:{$\trip{0}{0}{1}$}] (001) at (.5, -.86);
\coordinate (310) at ($ (100)!1/4!(010) $) {};
\coordinate (210) at ($ (100)!1/3!(010) $) {};
\coordinate (110) at ($ (100)!1/2!(010) $) {};
\coordinate [label=right:{$\trip{m}{0}{1}$}] (601) at ($ (100)!1/7!(001) $) {};
\coordinate [label=below:{$\trip{m-k}{0}{1}$}] (401) at ($ (100)!1/5!(001) $) {};
\coordinate [label={[xshift=-10,below]:{$\trip{k}{0}{1}$}}] (201) at ($ (100)!1/3!(001) $) {};
\coordinate [label=above:{$[\alpha] = \trip{m}{p}{1}$}] (621) at (intersection of 310--001 and 010--601);
\draw (601) to (001);
\draw (621) to node[auto,swap, pos=.85] {$c_1$} (001);
\draw (621) to node[auto,swap, pos=.85] {$c_2$} (201);
\draw (621) to node[auto, swap, pos=.68] {$c_3$} (401);
\draw (621) to node[auto,pos=.85] {$c_4$} (601);
\draw pic["$\theta_{12}$",draw=black,angle eccentricity=1.3,angle radius=1.2cm] {angle=001--621--201};
\draw pic["$\theta_{34}$",draw=black,angle eccentricity=1.2,angle radius=1.5cm] {angle=401--621--601};
\end{tikzpicture}
\caption{Lemme angulaire~\ref{lem:angle}. Le dessin est dans le simplexe $\PW$, mais noter que les angles doivent être considérés relativement à la distance $|\cdot,\cdot|$.} \label{fig:angles}
\end{figure}
\begin{proof}
Notons que $[0,1,0]$ est colinéaire avec $[\alpha]$ et $[m,0,1]$, donc $c_1$ et $c_4$ sont principales et $\theta_{14}=\frac{\pi}{3} $ par la remarque~\ref{rem:droites}. Le fait que les deux conclusions sont équivalentes vient alors de l'égalité
\[
\frac{\pi}{3} = \theta_{14} =\theta_{12} + \theta_{13} + (\theta_{34} - \theta_{12}).
\]
Considérons l'involution de $\PW$ et son bord à l'infini donnée par :
\[
\tau\colon [\alpha_1, \alpha_2, \alpha_3] \mapsto [\alpha_1, p \alpha_3, \alpha_2 / p].
\]
Cette involution fixe la droite des poids $[t, p, 1]$, $t \ge 0$, qui contient $[\alpha]$. De plus, $\tau [0,0,1] = [0,1,0]$ qui est colinéaire avec $[\alpha]$ et $[m,0,1]$, et $\tau [k,0,1] = [k,p,0]$ qui est colinéaire avec $[\alpha]$ et $[m-k,0,1]$. En particulier, $\tau$ échange les droites contenant $c_1$ et $c_4$, et également les droites contenant $c_2$ et $c_3$, ainsi $\tau$ envoie les deux courbes formant l'angle $\theta_{12}$ sur celles formant l'angle $\theta_{34}$.
Au niveau des $\beta_i = \log \alpha_i$, l'involution $\tau$ devient :
\[
\left(\beta_1, \beta_2, \beta_3\right) \mapsto \left(\beta_1, \beta_3 +
\log p, \beta_2 - \log p\right).
\]
Ainsi pour la distance $|\cdot,\cdot|$ l'involution $\tau$ est une symétrie axiale (d'axe $\beta_2 - \beta_3 = \log p$). En particulier elle préserve les angles non orientés et on conclut $\theta_{12} = \theta_{34}$.
\end{proof}
\section{Simple connexité}\label{sec:simple_connexite}
Dans cette section nous montrons que $\Xl_2$ est un arbre et que $\Xl_3$ est simplement connexe. Dans ce but nous rappelons le formalisme des complexes de groupes simples, en suivant~\cite[II.12]{BH}.
\subsection{Complexes de groupes}
Un \emph{complexe de groupes} $\Gl$ sur un poset $(\Sigma,<)$ est une collection de groupes $\{G_\sigma\}_{\sigma\,\in\, \Sigma}$, avec pour chaque couple $\sigma> \tau$ un homomorphisme injectif $\phi_{\tau\,\sigma}\colon G_\sigma\to G_\tau$. On demande de plus que chaque triplet $\sigma> \tau> \rho$ donne lieu à une relation de compatibilité $\phi_{\rho\tau}\circ\phi_{\tau\sigma}=\phi_{\rho\,\sigma}$. Un \emph{sous-complexe} de $\Gl$ est la donnée d'un sous-poset $\Sigma'$ de $\Sigma$, muni, pour tous $\sigma, \tau\in \Sigma'$, des mêmes $G_\sigma, \phi_{\tau\,\sigma}$ que $\Gl$.
Un \emph{morphisme} $\psi\colon\Gl\to G$ d'un complexe de groupes vers un groupe $G$ est une collection d'homomorphismes $\psi_\sigma\colon G_\sigma\to G$ satisfaisant $\psi_\sigma=\psi_\tau\circ \phi_{\tau\,\sigma}$ pour tout couple $\sigma> \tau$. Dans la situation typique où $\Sigma$ est le poset des cellules d'un complexe polyédral $\Dl$, à un tel morphisme nous associons un \emph{développement} de $\Dl$ qui est la réunion disjointe $\Dl \times G$ de $G$ copies de $\Dl$ quotientée par la relation $(x,h)\sim (x,hg)$, où $x$ appartient à une cellule $\sigma$ et $g$ est contenu dans l'image de $\psi_\sigma$. Cette notion de développement peut être vue comme l'inverse d'un passage au quotient :
\begin{theo}[{\cite[II.12.20$\MK$(1)]{BH}\label{thm:quotientcomplex}}]
Soit $\Gl$ un complexe de groupes sur le poset des cellules d'un complexe polyédral $\Dl$. Supposons que $\Dl$ est un domaine fondamental de l'action de $G$ sur un complexe polyédral $\Dl'$, que chaque $G_\sigma$ est le stabilisateur de $\sigma$, et que les $\phi_{\tau\,\sigma}\colon G_\sigma \to G_\tau, \psi_\sigma \colon G_\sigma\to G$ sont les inclusions évidentes. Alors $\Dl'$ est isomorphe comme complexe polyédral, de manière $G$-équivariante, au développement associé à $\psi$.
\end{theo}
Dans la situation du théorème~\ref{thm:quotientcomplex} nous disons que $\Gl$ est \emph{développable}.
Supposons $\Dl$ simplement connexe. Alors le \emph{groupe fondamental} $F\Gl$ de $\Gl$ est le produit libre de tous les $G_\sigma$ quotienté par les relations $g\sim \phi_{\tau\sigma}(g)$. Si $\Gl$ est développable, on définit son \emph{développement universel} comme le développement associé au morphisme naturel $\psi\colon \Gl \to F\Gl$. Chaque morphisme $\psi\colon \Gl \to G$ induit une application $F\psi \colon F\Gl\to G$. Si $F\psi$ est un isomorphisme, alors le développement associé à $\psi$ est isomorphe au développement universel.
\begin{theo}[{\cite[II.12.20$\MK$(4)]{BH}}]\label{thm:dev}
Le développement universel est simplement connexe.
\end{theo}
\subsection{\texorpdfstring{$\Xl_2$}{X2} est un arbre}\label{sec:arbre}
Quand $n=2$, $\PW^+$ muni de la distance euclidienne $|\cdot,\,\cdot|$ est une demi-droite d'extrémité égale à $[1,1]$, et chaque hyperplan admissible dans $\PW^+$ est un point $[i,1]$ pour $i \ge 1$. Le représentant de $[i,1]$ dans l'hyperbolo\"{\i}de $\alpha_1\alpha_2=1$ est
\[
(\alpha_1, \alpha_2) = \left(\sqrt i, \tfrac{1}{\sqrt i}\right),
\]
et donc $\beta_1= \tfrac{\log i}{2},\;\beta_2=-\tfrac{\log i}{2}$. On obtient que $[i+1,1]$ est à distance $\tfrac{\log(i+1)-\log i}{\sqrt{2}}$ de $[i,1]$. Nous considérons alors $\PW^+$ comme un graphe métrique, avec un sommet $s_i=[i,1]$ pour chaque $i\geq 1$, et une arête $e_i$ de longueur $\tfrac{\log(i+1)-\log i}{\sqrt{2}}$ entre chaque $s_i$ et $s_{i+1}$. Pour chaque cellule ouverte $\sigma$ de $\PW^+$, notons $G_\sigma\subset \Td$ le stabilisateur de $\nu_{\id,\,[\alpha]}$ pour $[\alpha]\in\sigma$: par la proposition~\ref{pro:lieu fixe}, cette définition est bien indépendante du choix de $[\alpha]$.
D'après la proposition~\ref{pro:stabilisateur}, $G_{s_1}$ est le groupe affine~$A_2$ et $G_{e_1}$ est le sous-groupe affine triangulaire dans~$A_2$. En outre, pour $i\geq 2$, $G_{s_i}=G_{e_i}$ est le groupe des automorphismes de la forme $(ax_1 + P(x_2),bx_2 + c)$ avec $\deg P \le i$. En particulier, pour tout $i \ge 2$ nous avons $G_{s_i} \subset G_{s_{i+1}}$. Soit $\Gl$ le graphe de groupes sur le poset des cellules de $\PW^+$ muni de ces groupes. La limite inductive $\lim_{i\,\ge\,2} G_{s_i}$ est égale au groupe $E_2$ des automorphismes triangulaires. Ainsi le groupe fondamental $F\Gl$ est le produit amalgamé de $A_2$ et $E_2$ le long du groupe affine triangulaire $A_2\cap E_2$.
D'après le corollaire~\ref{cor:intrin}$\MK$\eqref{cor:intrin2}, $\Ap_\id^+$ est un domaine fondamental pour l'action de $\Td$ sur $\Xl_2$. En identifiant $\Ap_\id^+$ avec $\PW^+$, d'après le théorème~\ref{thm:quotientcomplex}, le développement associé au morphisme naturel $\psi \colon \Gl\to\Td$ est isomorphe à $\Xl_2$. Considérons le morphisme $F\psi\colon F\Gl\to \Td$ induit par $\psi$. D'après le théorème de Jung--van der Kulk on a $\Td= A_2 \ast_{A_2\,\cap\,E_2}E_2$, ainsi $F\psi$ est un isomorphisme, et donc $\Xl_2$ est isomorphe au développement universel de~$\Gl$. Celui-ci étant (un graphe) simplement connexe d'après le théorème~\ref{thm:dev}, on conclut comme attendu que $\Xl_2$ est un arbre métrique.
\subsection{\texorpdfstring{$\Xl_3$}{X3} est simplement connexe}
Nous utilisons maintenant les mêmes idées que dans le paragraphe précédent pour montrer :
\begin{prop}\label{pro:X3 1-connexe}
Sur un corps $\K$ de caractéristique nulle, $\Xl_3$ est simplement connexe.
\end{prop}
Au lieu du théorème de Jung--van der Kulk nous utilisons les deux résultats suivants concernant la structure du groupe $\Tt$. Notons $A=A_3$ le groupe affine,
\begin{align*}
B&=\left\{\left(ax_1 +P(x_2,x_3), bx_2+cx_3+d, b'x_2+c'x_3+d'\right);\right. \\
&\mkern345mu\left. P\in \K[x_2,x_3], a\neq 0, bc'-b'c\neq 0\right\},\\
C&= \{(f_1,f_2,f_3) \in \Tt; f_3 = cx_3+d, c\neq 0\},\\
H_1&= \{(ax_1 + P(x_2,x_3), bx_2 + R(x_3), cx_3 + d); P\in \K[x_2,x_3], R\in \K[x_3]\ a,b,c\neq 0\},\\
K_2&=\{(ax_1 +bx_2+P(x_3), a'x_1+b'x_2+R(x_3), cx_3+d); \\
&\mkern345mu P,R\in \K[x_3], ab'-a'b\neq 0,c\neq 0\}.
\end{align*}
\begin{theo}[{\cite[Theorem~2]{Wright}, \cite[Corollary~5.8]{Lamy}}]\label{thm:triangle}
Sur un corps~$\K$ de caractéristique nulle, le groupe $\Tt$ est le produit amalgamé des groupes $A, B,C$ le long de leurs intersections respectives. Autrement dit, $\Tt$ est le groupe fondamental du triangle de groupes où les groupes de sommets sont $A,B,C$ et les autres groupes sont leurs intersections adéquates.
\end{theo}
\begin{prop}[{\cite[Proposition~3.5]{LP}}] \label{pro:C amalgame}
Le groupe $C$ est le produit amalgamé de $H_1$ et $K_2$ le long de leur intersection.
\end{prop}
\begin{proof}[Preuve de la proposition~\ref{pro:X3 1-connexe}]
Les droites admissibles munissent $\PW^+$ d'une structure de complexe polygonal (nous oublions provisoirement la distance pour ne garder que l'objet combinatoire). Précisément, les sommets sont les points d'intersection entre droites admissibles différentes, les arêtes ouvertes sont les composantes connexes du complément des sommets dans les droites admissibles, et les cellules ouvertes de dimension~$2$ sont les composantes connexes dans $\PW^+$ du complément des sommets et des arêtes (\emph{i.e.}\ des droites admissibles). Pour chaque cellule ouverte $\sigma$ de $\PW^+$, soit $G_\sigma\subset \Tt$ le stabilisateur de $\nu_{\id,\,[\alpha]}$ pour un poids $[\alpha]\in\sigma$. Soit $\Gl$ le complexe de groupes sur le poset des cellules de $\PW^+$ muni de ces groupes.
Pour obtenir la simple connexité de $\Xl_3$, selon le même argument que dans le cas $n=2$, il suffit de démontrer que $F\Gl=\Tt$. Bien que le théorème~\ref{thm:dev} concerne la simple connexité de la réalisation géométrique du poset de $\Xl_3$, la distance $d_\Xl$ lui est localement bilipschitz et cela entraînera donc bien la simple connexité de $(\Xl_3,d_\Xl)$.
Afin d'analyser le groupe fondamental $F\Gl$, nous considérons la partition suivante de $\Gl$ en sous-complexes (figure~\ref{fig:decoupage}, à gauche), où par définition les cellules sont munies des mêmes groupes que dans $\Gl$. Soit $\Al$ le sommet $[1,1,1]$, $\Bl$ le sous-complexe sur le poset des cellules dans la demi-droite $\frac{1}{2}\alpha_1\geq \alpha_2=\alpha_3$, et $\Cl$ le sous-complexe sur le poset des cellules dans la région $\alpha_2\geq 2\alpha_3$. Soit $\ABl$ l'arête entre $[1,1,1]$ et $[2,1,1]$, $\ACl$ l'arête entre $[1,1,1]$ et $[2,2,1]$, et $\ABCl$ le triangle $([1,1,1],[2,1,1],[2,2,1])$. Finalement, soit $\BCl$ le sous-complexe sur le poset des cellules dans la région $\alpha_1\geq 2\alpha_3>\alpha_2>\alpha_3$.
De plus, nous partitionnons encore le sous-complexe $\Cl$ de la manière suivante. Soit $\Kl$ le sous-complexe sur le poset des cellules dans la demi-droite $\alpha_1=\alpha_2\geq 2\alpha_3$, $\Hl$ le sous-complexe sur le poset des cellules dans la région définie par $\alpha_2\geq 2\alpha_3$ et $\alpha_1\geq \alpha_2+\alpha_3$, et $\mathcal HK$ le sous-complexe sur le poset des cellules dans la région~$R$ déterminée par $\alpha_2+\alpha_3>\alpha_1>\alpha_2\geq 2\alpha_3$. Observons qu'ici comme plus haut certaines faces des cellules de ces posets ne leurs appartiennent pas. Décrivons plus précisément le poset $\Sigma$ des cellules de $\Hl\Kl$. Les seules droites admissibles intersectant~$R$ sont d'équation $\alpha_1=m\alpha_3$ ou $\alpha_2=m\alpha_3$, pour $m>2$, et elles ne s'intersectent pas dans~$R$. Alors chaque $2$-cellule de $\Sigma$, sauf une, a exactement deux arêtes dans $\Sigma$ (voir figure~\ref{fig:decoupage}, à droite). La structure des posets de $\mathcal {BC}$ et de $\mathcal {H}$ est plus compliquée.
\begin{figure}[ht]
\[
\begin{tikzpicture}[scale=12, font=\small]
\coordinate (100) at (1,0);
\coordinate [label=below:$\trip{1}{1}{1}$, label=above left:$\Al$] (111) at (.5, -.86/3);
\coordinate [label=above:$\trip{1}{1}{0}$](110) at (.5,0) {};
\coordinate [label=left:$\trip{2}{2}{1}$] (221) at ($ (110)!.6!(111) $);
\coordinate [label=below right:$\trip{2}{1}{1}$] (211) at ($ (111)!.25!(100) $);
\coordinate [label=below right:$\trip{3}{2}{1}$] (321) at ($ (221)!1/7!(100) $);
\draw (110) to (100);
\draw (111) to node[left]{$\Al\Cl$} (221);
\draw (111) to node[below right]{$\Al\Bl$} (211);
\draw (211) to node[below right]{$\Bl$} node[above left, near start]{$\Bl\Cl$} (100);
\draw (221) to node[left]{$\Kl$} (110);
\draw (221) to node[below, xshift= -5, yshift = -5]{$\Al\Bl\Cl$} (211);
\draw (221) to (100);
\draw (321) to node[left, near start, xshift=3, yshift=-1]{$\Hl\Kl$} node[right, near start, xshift=10, yshift=5]{$\Hl$} (110);
\node at (100) [above] {$\trip{1}{0}{0}$};
\node at (.66,-.05) {$\Cl = \Hl \cup \Kl \cup \Hl\Kl$};
\end{tikzpicture}
\begin{tikzpicture}[scale = 20,font=\small]
\coordinate (010) at (0,0);
\coordinate (100) at (1,0);
\coordinate (001) at (.5, -.86);
\coordinate [label=above:$\trip{1}{1}{0}$](110) at (\tbary{1}{1}{0});
\coordinate [label=left:$\trip{2}{2}{1}$] (a) at (\tbary{2}{2}{1});
\coordinate [label=right:$\trip{3}{2}{1}$] (b) at (\tbary{3}{2}{1});
\foreach \x [evaluate=\x as \y using int(\x+1)] in {2,...,29}
{
\coordinate (\x\x1) at (\tbary{\x}{\x}{1});
\coordinate (\y\x1) at (\tbary{\y}{\x}{1});
\draw (\x\x1)--(\y\x1);
}
\foreach \x [evaluate=\x as \y using int(\x-1)] in {3,...,29}
{
\draw (\x\x1)--(\x\y1);
}
\draw (221)--(110)--(321);
\draw[fill=black] (28281)--(29281)--(110)--(28281);
\end{tikzpicture}
\]
\caption{D\'ecoupage de $\Gl$ en sous-complexes, et zoom sur les cellules dans $\Hl\Kl$.}
\label{fig:decoupage}
\end{figure}
%\begin{figure}[ht]
%\includegraphics[scale=1]{Figures/Figure-6-1.pdf}
%\caption{Découpage de $\Gl$ en sous-complexes, et zoom sur les cellules dans $\Hl\Kl$.}\label{fig:decoupage}
%\end{figure}
Pour démontrer $F\Gl=\Tt$, grâce au théorème~\ref{thm:triangle} il suffit d'obtenir :
\begin{enumerate}
\item \label{tr1}
$F\Al=A$
\item \label{tr2}
$F\mathcal {AB}=A\cap B$
\item \label{tr3}
$F\mathcal {AC}=A\cap C$
\item \label{tr4}
$F\mathcal {ABC}=A\cap B\cap C$
\item \label{tr5}
$F\Bl=B$
\item \label{tr6}
$F\mathcal {BC}=B\cap C$
\item \label{tr7}
$F\Cl=C$
\item \label{tr8}
Les groupes de $\mathcal {BC}$ forment un système inductif de groupes; de plus pour chaque élément $g\in G_\sigma$ dans $\mathcal {BC}$ il existe un élément $g'\in G_{\sigma'}$ (resp. $g''\in G_{\sigma''}$) dans $\mathcal {BC}$ équivalent à $g$ dans la limite $F\mathcal {BC}$, tel que $\sigma'$ (resp. $\sigma''$) a une face dans le poset de $\Bl$ (resp.\ $\Cl$).
\end{enumerate}
La propriété~\eqref{tr8} est nécessaire pour s'assurer que chaque élément de $B\cap C$ soit identifié à sa copie dans $B$ et $C$. Les propriétés analogues pour les autres inclusions sont immédiates.
Les propriétés~\eqref{tr1}-\eqref{tr4} découlent immédiatement de la proposition~\ref{pro:stabilisateur}, car dans chacun de ces cas le groupe fondamental est le stabilisateur d'un seul point. Plus précisément,~\eqref{tr1} correspond à l'exemple~\ref{exple:stab}$\MK$\eqref{exple:stab1}, et~\eqref{tr2} à l'exemple~\ref{exple:stab}$\MK$\eqref{exple:stab3}. De plus, par la proposition~\ref{pro:C amalgame} $A\cap C=A\cap K_2$ donc $A\cap B\cap C=A\cap B\cap K_2$ ce qui permet de déduire~\eqref{tr3} et~\eqref{tr4} des exemples~\ref{exple:stab}$\MK$\eqref{exple:stab4} et~\ref{exple:stab}$\MK$\eqref{exple:stab2}.
Pour~\eqref{tr5}, notons que, également d'après la proposition~\ref{pro:stabilisateur} et l'exemple~\ref{exple:stab}$\MK$\eqref{exple:stab4}, les groupes de $\Bl$ forment une suite croissante dont la réunion est $B$.
Pour~\eqref{tr6}, considérons une courbe $\alpha\colon (t_0, \infty) \to \W^+$ satisfaisant les hypothèses du corollaire~\ref{cor:stab}, telle que sa projection $[\alpha(t)]\subset \PW^+$ soit contenue dans les cellules de $\mathcal {BC}$, et qui tende vers le point $[1,0,0]$ en étant asymptote à la droite $\alpha_2=2\alpha_3$. Par exemple la courbe $\alpha\colon (3,\infty)\to \W^+$ avec $\alpha(t)=(t^2,2t,t+1)$ convient (voir figure~\ref{fig:courbes}). Pour $\alpha\in \W^+$, soit $\sigma(\alpha)$ la cellule de $\PW^+$ contenant $[\alpha]$ dans son intérieur. D'après le corollaire~\ref{cor:stab}, les $G_{\sigma(\alpha(t))}$ forment une suite croissante de groupes. Par la proposition~\ref{pro:stabilisateur}, la réunion de cette suite est égale à $B\cap C$. Pour tout point dans une cellule de $\mathcal {BC}$, il existe un segment de droite reliant ce point à un point de la courbe~$[\alpha(t)]$ auquel on peut appliquer le corollaire~\ref{cor:stab}. On obtient ainsi que chaque groupe de $\mathcal {BC}$ est contenu dans un $G_{\sigma(\alpha(t))}$. En conséquence les groupes de $\mathcal {BC}$ forment un système inductif de groupes (ce qui donne aussi la première partie de~\eqref{tr8}) dont la limite est $B\cap C$.
\begin{figure}[ht]
\[
\begin{tikzpicture}[scale=2,font=\scriptsize]
\coordinate [label=below:$\trip{1}{1}{1}$] (111) at (-90:{sqrt(3)});
\coordinate [label=above:$\trip{1}{1}{0}$] (110) at (0:0);
\coordinate [label=above:$\trip{1}{0}{0}$] (100) at (0:3);
\coordinate [label=below right:$\trip{2}{1}{1}$] (211) at (\bary{1}{0}{1});
\coordinate [label=left:$\trip{2}{2}{1}$] (221) at (\bary{1}{1}{0});
\coordinate [label={left,xshift=-0.4,yshift=4:$\trip{3}{2}{1}$}] (321) at (\bary{1}{1}{1});
\draw[very thin] (110)--(100)--(111)--(110)--cycle;
\draw[very thin] (221)--(100) (221)--(211) (321)--(110);
\foreach \x [evaluate=\x as \y using \x/10] in {30,...,140}
{
\coordinate (p\x) at (\bary{\y+1}{\y-1}{\y*\y-2*\y});
\coordinate (q\x) at (\bary{1}{\y-1}{\y*\y-\y+1});
}
\coordinate (ar1) at (\bary{.1}{.9}{.4});
\draw[mid arrow] (ar1)--(q105);
\coordinate (ar2) at (\bary{.9}{1}{1});
\draw[mid arrow] (ar2)--(q30);
\coordinate (ar3) at (\bary{.08}{0.1}{1});
\draw[mid arrow] (ar3)--(q95);
\coordinate (ar4) at (\bary{1.35}{1}{1});
\draw[mid arrow] (ar4)--(p80);
\coordinate (ar5) at (\bary{1}{.1}{2});
\draw[mid arrow] (ar5)--(p90);
\foreach \x [evaluate=\x as \y using \x+1] in {30,...,139}
{
\draw[red,thick] (p\x)--(p\y);
\draw[blue,thick] (q\x)--(q\y);
}
\draw[red,thick] (p140)--(100);
\draw[blue,thick] (q140)--(100);
\node at (p35) [below,xshift=17.5,yshift=2.2] {$\trip{t^2}{2t}{t+1}$};
\node at (q40) [left,xshift=-10,yshift=-2] {$\trip{t^2}{t}{1}$};
\end{tikzpicture}
\]
\caption{Courbes et segments satisfaisant les hypoth\`eses du corollaire~\ref{cor:stab}.} \label{fig:courbes}
\end{figure}
%
%\begin{figure}[ht]
%\includegraphics[scale=1]{Figures/Figure-6-2.pdf}
%\caption{Courbes et segments satisfaisant les hypothèses du corollaire~\ref{cor:stab}.} \label{fig:courbes}
%\end{figure}
Pour montrer~\eqref{tr7} calculons $F\mathcal{C}$. Nous utilisons la partition de $\mathcal{C}$ en $\mathcal{K},\mathcal{H}$ et $\mathcal{HK}$. D'abord, d'après la proposition~\ref{pro:stabilisateur} et l'exemple~\ref{exple:stab}$\MK$\eqref{exple:stab4}, les groupes de $\mathcal{K}$ forment une suite croissante dont la réunion est~$K_2$. De même, les groupes de $\mathcal{HK}$ forment une suite croissante dont la réunion est $H_1\cap K_2$. Enfin, dans les cellules de $\mathcal {H}$ considérons la projection $[\alpha(t)]$ de la courbe $\alpha\colon(2,\infty)\to\W^+$ avec $\alpha(t)=(t^2,t,1)$ (voir figure~\ref{fig:courbes}). D'après le corollaire~\ref{cor:stab}, les $G_{\sigma(\alpha(t))}$ forment une suite croissante. Par la proposition~\ref{pro:stabilisateur} la réunion de cette suite est égale à $H_1$. D'après le corollaire~\ref{cor:stab} appliqué à des segments de droites bien choisis, chaque groupe de $\mathcal {H}$ est contenu dans un $G_{\sigma(\alpha(t))}$. Ainsi les groupes de $\mathcal {H}$ forment un système inductif dont la limite est $H_1$. L'analogue de la propriété~\ref{tr8} avec $H_1\cap K_2$ au lieu de $B\cap C$ est immédiat, car les groupes de $\mathcal{HK}$ forment une suite croissante. On conclut grâce à la proposition~\ref{pro:C amalgame} que $F\mathcal{C}=H_1 *_{H_1 \cap K_2} K_2=C$.
Finalement, pour la deuxième assertion de~\ref{tr8}, considérons $g\in G_\sigma$ dans $\mathcal {BC}$. Par le lemme~\ref{lem:finite}, $\sigma$ est contenu dans un nombre fini de demi-espaces admissibles $L_1,\,\ldots,\,L_k$. De plus, puisque $\sigma$ est dans le poset de $\BCl$, les $L_i$ sont définies par des inégalités de la forme $\alpha_1\geq m_2\alpha_2+m_3\alpha_3$ ou $\alpha_2\geq\alpha_3$. Alors chaque cellule $\sigma'$ (resp.~$\sigma''$) ayant une face dans la demi-droite $\alpha_2=\alpha_3$ (resp.\ la demi-droite $\alpha_2=2\alpha_3$), et suffisamment loin de $[1,1,1]$, est contenue dans tous les $L_i$. Les groupes de $\mathcal {BC}$ forment un système inductif de groupes, donc il existe un $G_\rho$ dans $\BCl$ contenant $G_\sigma$ et $G_\sigma'$ simultanément. Par le corollaire~\ref{cor:stabjump}, $G_\sigma\subset G_\sigma'$ comme sous-groupes de $\Tt$, et donc aussi pour leurs copies dans $G_\rho$. Ainsi il existe $g'\in G_{\sigma'}$ équivalent à $g$, comme attendu. De même, il existe $g''\in G_{\sigma''}$ équivalent à $g$.
\end{proof}
\section{Propriété \texorpdfstring{$\CAT(0)$}{CAT(0)} locale}
Toute cette section est en dimension $n = 3$, sur un corps $\K$ arbitraire. L'objectif est de montrer la
\begin{prop}\label{pro:courbure negative}
Soit $\alpha \in \W$, et $g \in \Tt$. Alors $\nu_{g,\,[\alpha]}$ admet un voisinage $\CAT(0)$ dans $\Xl_3$.
\end{prop}
Nous utiliserons les résultats fondamentaux suivants concernant les cônes et les links.
Soit $\Gamma$ un graphe métrique. Le \emph{cône sur $\Gamma$ de rayon $r$} est le complexe simplicial obtenu comme le cône simplicial sur $\Gamma$, et considéré comme un espace de longueur comme suit. Pour chaque arête de $\Gamma$ de longueur $l$ on munit le triangle correspondant dans le cône de la distance d'un secteur d'angle $l$ du disque euclidien de rayon $r$. Comparer avec~\cite[I.5.6]{BH} où est construit un espace métrique appelé le $0$-cône, dans lequel notre cône se plonge comme une boule fermée de rayon $r$.
\begin{theo}[{Berestovskii, voir~\cite[II.3.14]{BH}}]\label{thm:link_condition}
Soit $\Gamma$ un graphe métrique et $r>0$. Alors le cône sur $\Gamma$ de rayon $r$ est $\CAT(0)$ si et seulement si $\Gamma$ est $\CAT(1)$.
\end{theo}
Rappelons également qu'un graphe métrique $\Gamma$ est $\CAT(1)$ si et seulement si tout cycle plongé dans $\Gamma$ est de longueur $\geq 2\pi$~\cite[II.1.15$\MK$(4)]{BH}.
Maintenant soit $X$ un complexe polygonal euclidien. Soit $v$ un sommet de $X$ et supposons qu'il n'existe qu'un nombre fini de classes d'isométrie de pièces contenant~$v$. Le \emph{link de $v$ dans $X$} est le graphe métrique dont les sommets correspondent aux arêtes de $X$ contenant $v$, et dont les arêtes correspondent aux polygones de $X$ contenant $v$. La longueur d'une telle arête est définie comme l'angle en $v$ du polygone correspondant. Voir~\cite[I.7.14]{BH}.
\begin{theo}[{\cite[I.7.16]{BH}}]\label{thm:nbhds}
Il existe $r>0$ tel que la boule fermée de rayon $r$ autour $v$ dans $X$ est isométrique au cône de rayon $r$ sur le link de $v$ dans $X$.
\end{theo}
Afin de prouver la proposition~\ref{pro:courbure negative} nous commençons par établir un critère abstrait pour vérifier qu'un espace obtenu par recollement est $\CAT(0)$.
\subsection{Limite d'espaces \texorpdfstring{$\CAT(0)$}{CAT(0)}} \label{sec:limit}
\begin{figure}[ht]
\[
\begin{tikzpicture}[scale=4]
\draw (1,0) arc (0:180:1);
\draw (0,0) to node[below, near end]{$l_{k+1}$} (-1,0);
\draw (0,0) to node[below, pos=0]{$O$} node[below, near end]{$l_0$} (1,0);
\draw (-1,0) to (1,0);
\draw (0,0) to node[auto, very near end]{$l_k$} ++(120:1);
\draw (0,0) to node[auto, very near end]{$l_i$} ++(85:1);
\draw (0,0) to node[auto, very near end]{$l_1$} ++(50:1);
\fill[blue!40] (0,0) to ++(50:1) arc (50:0:1) to cycle;
\fill[blue!20] (0,0) to[out=50,in=180] ++(30:1) arc(30:0:1) to cycle;
\draw (0,0) to[out=120,in=270] node[auto, pos=.92]{$c_k$} ++(108:1);
\draw (0,0) to[out=85,in=240] node[auto, very near end]{$c_i$} ++(70:1);
\draw (0,0) to[out=50,in=180] node[auto, very near end]{$c_1$} ++(30:1);
\coordinate [label=$C_1 \subseteq L_1$] (C1) at (0.7,0.1);
\coordinate [label=$\dots$] (dots) at (-0.1,0.5);
\coordinate [label=$\dots$] (dots) at (0.25,0.5);
\end{tikzpicture}
\]
\caption{Notations pour la section~\ref{sec:limit}.} \label{fig:limit}
\end{figure}
Soit $r>0$ et $\DD = \{(x,y) \in \R^2 \mid x^2 + y^2 \le r^2, y \ge 0\}$ le demi-disque fermé supérieur de rayon $r$ dans $(\R^2,|\cdot,\cdot|)$. On note $O$ le centre de $\DD$. Soit $l_0,l_1,\,\ldots,\,l_k, l_{k+1}$ une suite de rayons deux à deux distincts et ordonnés dans le sens direct, avec $l_0$ d'extrémité $(r,0)$ et $l_{k+1}$ d'extrémité $(-r,0)$. Pour $j=1,\,\ldots,\,k$, soit $c_j$ l'image d'une courbe lisse plongée $[0,1]\to \DD$. On suppose que $c_j$ est distincte du rayon $l_{j-1}$, et est contenue dans le secteur fermé délimité par les rayons $l_{j-1}$ et $l_{j}$, avec pour extrémités le centre $O$ du demi-disque et un point dans l'arc de cercle du secteur. Soit $C_j$ l'adhérence de la composante de $\DD \setminus c_j$ contenant~$l_{0}$, et supposons chacun des $C_j$ convexe. Soit $L_j$ le secteur fermé délimité par les rayons $l_j$ et~$l_{0}$: on a donc $L_{j-1} \subsetneq C_j \subseteq L_j$. Par convention, $C_0=L_0=c_0=l_0, c_{k+1}=l_{k+1},C_{k+1}=L_{k+1}=\DD$, et $C_\infty=L_\infty=c_\infty=l_\infty$ est le diamètre $l_0\cup l_{k+1}$ de $\DD$ (voir figure~\ref{fig:limit}).
Soit $(\DD_\lambda, \phi_\lambda)_{\lambda \in \Lambda}$ une famille de demi-disques indicée par un ensemble quelconque~$\Lambda$, où pour chaque $\lambda$, $\phi_\lambda\colon \DD \to \DD_\lambda$ est une isométrie. Supposons qu'il existe une relation d'équivalence $\sim$ sur l'union disjointe $\bigsqcup_{\lambda\in \Lambda} \DD_\lambda$, qui en restriction à chaque $\DD_\lambda\sqcup \DD_{\lambda'}$ (où $\lambda\neq \lambda'$) est donnée par $\phi_\lambda(x)\sim \phi_{\lambda'}(x)$ si et seulement si $x\in C_{j(\lambda,\lambda')}$, pour une fonction $j$ qui à chaque paire non ordonnée $\lambda, \lambda'$ d'éléments distincts de $\Lambda$ associe un élément de $\Il=\{0,1,\,\ldots,\,k, k+1,\infty\}$.
\begin{rema}\label{lem:espace linearise}
Nous affirmons que la relation $\sim_0$ sur $\bigsqcup_{\lambda\,\in\,\Lambda} \DD_\lambda$ qui en restriction à chaque $\DD_\lambda\sqcup \DD_{\lambda'}$ est donnée par $\phi_\lambda(x)\sim_0 \phi_{\lambda'}(x)$ si et seulement si $x\in L_{j(\lambda,\lambda')}$, pour la même fonction $j$ que précédemment, est une relation d'équivalence.
Pour voir cela, remarquons qu'il existe une application symétrique $\cap\colon \Il\times \Il\to \Il$ telle que pour chaque $i,j\in \Il$ on a $C_i\cap C_j=C_{i\,\cap\,j}$. Précisément, si $i,j<\infty$ alors $i\cap j=\min \{i,j\}$, si $i 2>3}).
En utilisant le corollaire~\ref{cor:intrin}$\MK$\eqref{cor:intrin2} on peut supposer $f_0 = \id$. Par le lemme~\ref{lem:normal}$\MK$\eqref{lem:normal1}, on peut supposer aussi $f_1,f_2,f_3\in M_\alpha$. D'après le lemme~\ref{lem:secteur commun}, on peut écrire
\begin{align*}
f_1=f_0^{-1}f_1 &\sim_\nu h_0,& f_1^{-1}f_2 &\sim_\nu h_1,\\
f_2^{-1}f_3 &\sim_\nu h_2, & f_3^{-1}=f_3^{-1}f_0 &\sim_\nu h_3,
\end{align*}
où les $h_i$ sont des automorphismes triangulaires de la forme suivante :
\begin{align*}
h_0 &= \left(x_1, x_2 + d' x_3^p, x_3\right),& h_1 &= \left(x_1 + P_1(x_2, x_3), x_2, x_3\right), \\
h_2 &= \left(x_1, x_2 + d x_3^p, x_3\right), & h_3 &= \left(x_1 + P_3(x_2, x_3), x_2, x_3\right),
\end{align*}
avec $P_1, P_3$ homogènes de degré $m$ relativement aux variables $x_2, x_3$ de poids respectifs $p, 1$. Par le lemme~\ref{lem:normal}$\MK$\eqref{lem:normal2}, le groupe $N_\alpha$ est normal dans $M_\alpha$, donc $h_0h_1h_2h_3\sim_\nu\id$. Ainsi
\[
h_0h_1h_2h_3=\left(x_1 + P(x_2, x_3), x_2 + Q(x_3), x_3\right)
\]
\goodbreak
\noindent avec $-\nu(P)